vendredi 14 octobre 2011

LE DENI DE PROGRES ET LA PERTE D'INTELLIGENCE



Souvenez-vous !

Ceux qui ont vécu ces instants, s’en souviendront avec émotion, et il importe pour les autres, les plus jeunes d’entre nous, qu’ils s’en aillent en quête de leurs témoignages. Ceci, pour prendre conscience que nous vivons depuis près de quarante ans, dans une anomalie que plus personne ne dénonce, tant elle a fini par sa persistance, à prendre l’allure de la normalité. Car, il doit bien être entendu, par tous ceux qui constituerons les nouveaux actifs de ce pays, et qui n’auront comme première illustration du monde du travail, que les guichets de l’ANPE, que la persistance de plusieurs millions de chômeurs dans un pays, relève tout simplement d’une totale anomalie, d’un dysfonctionnement profond des mécanismes d’une société, qui est inacceptable comme tel. Et ceci, même si par le plus grand des malheurs, nous nous sommes résignés à cause de l’usure de tant d’années, et faute de ne jamais parvenir à nous doter des structures sociaux-économiques convenables pour pouvoir nous en débarrasser, à en souffrir.

Nous sommes en juillet1969, l’homme vient de poser le pied sur la Lune, réalisant ainsi un de ses plus vieux rêves, et certainement, avec la quête déraisonnable de l’immortalité, un de ceux qui lui semblaient pourtant les plus difficilement accessibles. Le rêve est devenu réalité et le cortège triomphal des “héros”, véritables demi-dieux, rentrés sains et saufs d’une mission dont nous n’étions alors en rien préoccupés, emplis que nous étions d’enthousiasme, de considérer à quel point elle fut pleine d’incertitude, sillonne les rues de New-York sous les acclamations délirantes du public, et pour la première fois, sous le regard de téléspectateurs du monde entier, grâce à l’apparition récente de la toute nouvelle “mondovision”.

Regardez comme tous ces gens sont beaux !

Nous sommes en ces instants, bien éloignés de supposer, plein de confiance que nous étions alors en l’avenir, selon ce qui était l’état d’esprit du moment, que nous assistions là, au summum magnifique, subjuguant, et fastueux, de l’évolution des sociétés occidentales qui, malgré l’apparition depuis, des nouvelles technologies dites de l’informatique et d’internet, lesquelles nous maintiennent faussement dans une illusion de leur progrès, se sont engagées peu après cette époque flamboyante, dans une régression vertigineuse. Car il est clair que même armée de ces nouveaux instruments, plus aucune nation sur cette Terre n’est en mesure d’envoyer un homme sur la Lune, et aucune d’elles, le voudraient-elles, ne le sera avant longtemps. C’est ainsi que du temps de ce monsieur Bush, c’est-à-dire bien avant 2008, les américains ont caressé un instant le rêve de retourner sur la Lune, aux alentours de 2020 ! Quant à l’administration de ce monsieur Obama, qui avait repris le projet à son compte, elle se ravisa en constatant que l’Amérique ne possédait déjà plus la capacité technologique pour une telle entreprise, puisqu’elle ne savait jusqu’à récemment, qu’envoyer des gens faire des ronds à 350 km de la Terre, ce qu’elle ne peut même plus faire maintenant, puisqu’elle vient de remiser sa dernière navette spatiale, mais surtout, qu’elle n’avait même pas les moyens financiers et industriels, pour une telle aventure.

Quand aux Chinois, les seuls à posséder à la fois les moyens financiers et industriels pour cela, ils ont le projet d’envoyer un des leurs sur la Lune, mais pas avant 2025 !

Nous sommes en tout cela, bien éloignés du feu sacré qui s’était emparé de ces deux nations ennemies de la guerre froide, l’Union Soviétique, et les Etats-Unis d’Amérique, lorsqu’en ce matin d’automne 1957, les journalistes de la radio ( la télévision ne fonctionnant que le soir, et n’étant à la disposition que de quelques privilégiés ), étouffés de stupéfaction, préféraient nous faire entendre le fameux “bip, bip, bip” du premier “ Spoutnick”, le premier satellite artificiel de la Terre, dont les Russes venaient de réussir le lancement.

Ainsi, un objet de notre Terre, et fabriqué par la main de l’homme, venait pour la première fois d’échapper à celle-ci, et évoluait dans l’espace. Pour bien prendre la mesure de la splendide performance des ingénieurs de cette époque, et de l’état d’esprit désormais perdu, qui leur valait d’être aussi talentueux, il faut prendre conscience que plus de cinquante années plus tard, c’est toujours la même fusée, la célèbre “Semiorka”, que nous devons au génie de l’ingénieur Korolev, que le premier secrétaire du parti, Nikita Kroutchev, avait fait sortir du goulag où il croupissait, pour qu’il puisse se mettre au service de la nation, qui se trouve toujours utilisée, pour envoyer des hommes dans l’espace ! Et de plus, en toute exclusivité, puisqu’il n’y a désormais plus de navette américaine, que la navette russe s’est contentée d’un seul vol inaugural, et que l’agence européenne ESA, n’a jamais caressé une telle ambition.

Rendez-vous compte ? Qui aurait l’idée de fabriquer un modèle d’automobile de 1957, pour le proposer à la vente, parce que désormais seul capable de produire une automobile ! Parler ici de régression n’est pas qu’une façon de parler. Car, alors que les Russes eux-mêmes après leur premier exploit, ne pensaient pas être en mesure de lancer un homme dans l’espace avant une dizaine d’années, quatre années seulement ont suffi pour cela, et lorsqu’en 1963, le président Kennedy donne le feu vert du programme Appolo de lancement d’hommes vers la Lune, six années seulement, d’un travail acharné il est vrai, bénéficiant d’une mobilisation nationale sans faille, suffiront pour qu’un premier homme puisse poser le pied sur la Lune. D’où vient-il donc qu’aujourd’hui, plus rien ne soit possible ?

Si je vous parle avec nostalgie de cette aventure spatiale, qui se développe faut-il le rappeler, dans des années de plein emploi où, concernant la France, les caisses de l’état étaient pleines, le commerce extérieur florissant, et où personne ne parlait encore de dette publique, c’est parce que l’état misérable dans lequel croupis désormais cette activité, témoigne bien de ce qui a été perdu depuis. Il s’agit de cet état d’esprit faisant une large part à la confiance dans la nation et dans ses chefs, et à l’engagement de tous au service de celle-ci, qui permettait de faire des exploits, avec des moyens dérisoires, par des gens pour lesquels la notion du progrès, dont ils se faisaient alors les serviteurs, conservait toute sa valeur.

Qu’on songe que les ingénieurs de la Nasa, qui ont conçu l’impressionnante Saturn V, dont chacun des cinq moteurs développant une puissance terrifiante, engloutissait rien de moins que 3000 litres de carburant à la seconde, pour arracher de terre et propulser vers le ciel, cette fusée de 120 mètres de haut et d’un poids total au départ de plus de 3200 tonnes, utilisaient encore de simples règles à calcul pour cela ! Qu’on songe aussi que l’ordinateur de bord de la capsule Appolo, avait une puissance qui n’atteignait même pas celle de certaines calculettes d’aujourd’hui ! Cependant, nous serions quant à nous bien incapables maintenant, avec des moyens bien plus luxueux, de réitérer un tel exploit.

Vu leurs résultats, ces vaillants étaient-ils fondamentalement, c'est-à-dire par nature, davantage capables d’intelligence que nous ? Bien sûr que non. Cependant, ils évoluaient dans un cadre social qui demeurait adapté à leur époque, et qui lui, était en ce sens plus intelligent, puisqu’il leur permettait d’exercer pleinement leur effort, et d’exprimer leur talent, et c’est justement ce qui n’existe plus pour bon nombre d’entre nous, dans nos sociétés d’aujourd’hui.

Préserver absolument pour chaque citoyen au sein de la nation, un espace permettant le plein exercice de son effort et de ses talents, voici ce qui a manqué d’être garanti par les dirigeants inconséquents de nations, où les chômeurs se comptent désormais par millions. Or, cette mise sur la marge de tant des siens, participe du mécanisme même de la déchéance d’une société, par le fait que ceux-ci n’y sont justement plus “associés”, selon le sens fondamental du terme “socius”.

Tout ceci revient à dire simplement, que le chômage qui frappe une société, et qui envoie jour après jour une partie croissante d’elle, en marge d’elle, constitue par définition même, sa “déchéance”, que dès lors, il ne sert strictement à rien de nier. Nos actuelles sociétés en proie au chômage permanent, constituent en ce sens des sociétés en carence d’intelligence, et sont par rapport aux sociétés de plein emploi qui les ont précédées, des sociétés “déchues” de cette position. Car, il doit être bien entendu, que le rôle fondamental d’une société, c’est de permettre aux individus qui la constituent, de bénéficier des synergies qui normalement s’y développent, pour un règlement plus facile de leurs problèmes que s’ils se trouvaient isolés. Une société dans laquelle, quoi qu’ils fassent, les individus ne parviennent pas à régler leurs problème, est une société qui ne leur vaut rien, et qui donc ne vaut rien tout simplement, puisqu’on ne voit pas pour quoi d’autre que ses membres, une société devraient valoir.

Nous établissons ainsi clairement, que nos sociétés actuelles ne valent rien !

L’intérêt maintenant d’une illustration de ce problème, par l’évolution régressive des activités spatiales, c’est que celle-ci met clairement en évidence dans ce domaine, le fait d’une insuffisance intellectuelle de nos actuelles sociétés, par rapport à celles qui les ont précédées, puisqu’il est manifeste que celles d’aujourd’hui sont incapables de reproduire ce que faisaient les précédentes.
Soyons maintenant bien attentif au fait que ce constat de l’incapacité de notre société de reproduire un exploit d’il y a quarante ans, relève en fait d’un phénomène insoupçonné, aux implications terrifiantes, mais dont beaucoup auront du mal à constater et à admettre la réalité. Car, il se trouve que nous évoluons désormais dans des sociétés que nous pouvons dire “imbéciles”, par le fait qu’elles ne parviennent plus à régler le moindre de leur problèmes, ainsi que l’actualité nous le montre en ce moment, concernant les questions monétaires, dont la calamité n’est pas tombée du ciel, mais traduit tout simplement une incohérence de nos structures socio-économiques que nous ne parvenons toujours pas à régler. Tout le drame, c’est que ces sociétés imbéciles, ne peuvent manquer d’être constituées d’imbéciles, étant entendu que si des imbéciles n’ont aucune chance de se constituer en une société intelligente, des êtres intelligents refuseraient quant à eux, de se constituer en une société imbécile.

Tout ceci signifie qu’il existe fatalement une stricte corrélation, entre le degré d’intelligence selon lequel se trouve établie une société, et qui se traduit par la plus ou moins grande facilitation qu’elle permet à ses membres, de régler leurs problèmes, et le degré d’intelligence que sont susceptibles alors d’y manifester ces membres eux-mêmes, et ceci, tout à fait indépendamment bien sûr, des caractères de leur encéphale, lequel n’a évidemment pas été modifié sur seulement une quarantaine d’années.

Exprimé encore différemment, ceci signifie qu’une société, et tel est bel et bien le cas de la nôtre actuellement, qu’un manque de pertinence et de vigilance des dirigeants, a laissé gagner par une perte graduelle d’intelligence, en refusant de poursuivre une voie du progrès qui contrariait les intérêts de quelque puissants, est une société qui, par ce que dès lors, elle est devenue elle-même, c'est-à-dire une société imbécile, contrarie la capacité de ses membres eux aussi, d’y développer de l’intelligence. Ceci, dans une situation telle, qu’il ne se trouve logiquement plus personne au sein de cette société, hors quelque marginaux non concernés, pour être en mesure de lui porter secours, et c’est bien ce que nous constatons…

En clair, cette société devenue complètement “conne”, et c’est visible, à cause de tant d’années de renoncement dans la poursuite de la voie du progrès, qui seule, lui aurait évité de devenir archaïque et incohérente par rapport aux nécessités de notre époque, et dans laquelle nous pataugeons malheureusement depuis tant d’années, a achevé de nous rendre “cons” nous-mêmes, ce qui nous conduit à considérer que ce sont les temps qui deviennent difficiles !

Non, utilisons bien les dernières cartouches d’intelligence qui nous restent, pour constater que c’est bel et bien nous, qui devenons de moins en moins capables d’assumer des problèmes récurrents qui sont le lot de notre humanité depuis des millénaires, et ce n’est pas parce que nos tentatives désordonnées de les régler confinent à une ahurissante complexité, comme le foutoir monétaire dans lequel nous nous trouvons, que ce sont les problèmes qui eux-mêmes, sont devenus plus complexes. Car, dans la distance qui sépare un “sujet” de son “objet”, et qui rend le premier plus ou moins capable de traiter efficacement le second, il n’existe aucun repère absolu permettant de dire en cas de difficulté croissante, s’il s’agit d’un objet qui devient plus difficile, ou d’un sujet qui devient plus imbécile, puisque l’un ou l’autre confinent à établir la même distance. Cependant, le constat d’une permanence de l’objet, tel que développer de l’activité, qui est le même depuis des siècles, permet d’affirmer que ceux qui aujourd’hui se montrent incapables de le faire, sont bel et bien devenus imbéciles face à cet objet demeuré constant, et c’est bien ce que nous sommes en ce moment.

Tout ceci pour dire l’extrême urgence qu’il y a pour nous, d’en finir une fois pour toute et au plus vite, avec cette société de chômage permanent, qui est par le fait une société en totale déchéance, rendant ses citoyens de plus en plus stupides, à commencer bien sûr par ceux-là mêmes qui prétendent en prendre les commandes, comme le triste et lamentable individu qui sévit actuellement au palais…

Paris le 12 octobre 2011
Richard Pulvar