vendredi 28 octobre 2011

LA “DERAISON”, CE NOUVEL ANXIOLYTIQUE SANS ORDONNNANCE.






Il ne nous reste plus que cela, pour nous soulager de nos angoisses, croire en n’importe quoi, selon la plus totale déraison, s’illusionner, pour ne pas avoir à envisager dans leur réalité désespérante, les grimaces d’un futur que, démobilisés et désabusés par un discours sans âme, nous ne nous donnons pas avec énergie et sans concession, les moyens de rendre souriant.

Ainsi donc, nous nous préparons sagement pour l’élection présidentielle de 2012. La campagne verra des candidats qui viendront nous proposer de voter pour eux, en nous promettant que s’ils sont élus, ils mettront avec ardeur et compétence tout ce qu’il conviendra, pour pouvoir effectivement nous libérer cette fois là, qui sera la bonne bien sûr, de tous ces maux qui nous étreignent, certains comme le chômage, depuis déjà plusieurs décennies.

Il y aura un premier tour, puis un second tour, et c’est alors qu’apparaîtra le vainqueur, le “grand chef charismatique” en lequel la nation rassemblée, place tous ses espoirs.

Après la fastueuse cérémonie où selon l’usage, le président du conseil constitutionnel l’investira de sa haute et noble charge, en lui présentant la croix de grand maitre de la légion d’honneur, qu’il mérite par avance de porter, celui-ci s’installera sur l’illustre fauteuil, d’où il présidera avec gravité, détermination, et abnégation, aux destinées de la nation.

Il nommera un homme de la plus haute stature, à la réputation éprouvée d’intégrité, de compétence, et de dévouement désintéressé, au poste de premier ministre.

Ensemble ils travailleront avec tout le sérieux et la responsabilité que cette charge nécessite, afin que puisse être rassemblés autour d’eux, ce que la nation peut offrir de mieux, parmi tous ceux qui ont épousé la ligne directrice de leur ambitieux projet gouvernemental, comme hommes et femmes compétents, dévoués, déterminés, et intègres, pour former le gouvernement de notre république.

Celui-ci se mettra au travail sans tarder, sous la conduite autorisée de son chef, elle-même heureusement inspirée par les orientations très pertinentes du guide de la nation, tant et si bien que dès les premiers mois du quinquennat, apparaitront des amélioration significatives, dans la pluralité des domaines, face au constat desquelles, le peuple, dès lors plein de confiance et d’enthousiasme, cessera de pleurer ses misères, et doublera d’efforts, uni comme un seul homme derrière ses chefs.

C’est alors que la nation sortira des sanglots longs des jours brumeux de la récession, pour retrouver les rires des jours ensoleillés de la fin de l’endettement et du déficit budgétaire, du retour à la croissance économique, des excédents de la balance commerciale et de la balance des paiements, du plein emploi, de la croissance du pouvoir d’achat, du renforcement de la protection sociale, de la reprise des grands travaux d’équipements publics et de construction de logements, et du retour à une politique de coopération internationale, n’ayant que la paix pour objectif. Il s’agira autrement dit en tout cela, de la pleine satisfaction de tout ce qui aura été promis, lors de la campagne électorale.

Bien sûr le ton est quelque peu forcé, mais si cela prête à rire, c’est parce que nous avons oublié depuis bien longtemps, que telles devraient effectivement être en toute logique, notre exigence, et notre attente, de telles dispositions démocratiques.

Très peu de gens heureusement, en sont au point d’en espérer tant. Cependant, si la perspective de cette élection est aussi sereinement acceptée, c’est bien parce que peu ou prou, une large partie de la population, espère au point de n’en plus douter, que cette élection peut, soit par une nouvelle motivation du sortant, soit par une nouvelle politique mise en œuvre par l’entrant, constituer l’occasion d’un heureux sursaut, de nature à permettre au moins une amélioration partielle de notre situation. D’autres pensent que cela ne changera rien du tout, et se préparent simplement à faire leur devoir de citoyen. Enfin il en est qui comprennent bien que les choses ne peuvent qu’empirer, mais pensent qu’il vaut mieux dans tous les cas, pour éviter le pire, participer malgré tout à cette élection, pour barrer la route du pouvoir aux partisans de thèses extrêmes.

En réalité, tous ces cas relèvent d’une douce et insidieuse “déraison”, à laquelle, combien même nous serions déjà bien alertés, quant aux incohérences sociales dans lesquelles nous sombrons chaque jour davantage, nous inclinons à nous livrer spontanément. Ceci, parce qu’envisager dans toute sa dureté, la réalité de la situation qui est la nôtre, surtout lorsque nous ne savons désespérément pas quoi lui opposer, n’est malheureusement pas de nature à l’améliorer, bien au contraire, et qu’humainement, il convient donc de garder malgré tout, quelques doses d’une volontaire insouciance, pour pouvoir au moins continuer à fonctionner à peu près convenablement, jusqu’aux échéances.

Ceci étant, et en toute rigueur, il est clair que les tendances actuelles quant à l’endettement de la nation, la faiblesse de son économie, la faiblesse de son commerce extérieur, l’augmentation vertigineuse du chômage, puisque ce quinquennat aura produit aux environs d’un million de chômeurs supplémentaires selon les seuls chiffres officiels, le vieillissement et la démobilisation de la population, ne vont pas s’améliorer d’ici l’élection, et certainement pas au-delà de celle-ci. Par quel miracle cela se ferait-il ?

Toute la nocivité de cette élection à venir, réside précisément dans le fait que l’attente elle-même à laquelle elle nous condamne, puisque nous pensons majoritairement, qu’elle peut effectivement constituer une occasion d’amélioration de la situation, et que nous n’en voyons nulle autre à l’horizon, nous oblige à assister sans combattre, autrement que sur des estrades de campagne électorale, à la dégradation accélérée, et peut-être irréversible, qui sera celle de la situation jusqu’à cette échéance, rendant alors cyclopéenne la tâche du futur gouvernement.

D’autre part, en se souvenant que ce qui a rendu impossible la tâche aux opposants allemands du régime nazi, à l’heure où il devenait évident pour les hommes sensés, que le pays allait à sa perte, c’est que celui-ci reposait sur une large base populaire, établie en bonne et due forme démocratique. Partant de cet exemple, il est clair quelque sera l’insuffisance des nouvelles équipes au pouvoir, et nous sommes en mesure de comprendre dès aujourd’hui, qu’elles le seront, non pas parce qu’elles démériteront, mais tous simplement parce que la tâche sera insurmontable, la nation les ayant élus, ne se dédira pas si facilement que cela, dans les premiers temps.

Nous avons comme exemple à ce sujet, les réélections de ces messieurs Bush et Blair, à une époque où il était de notoriété, qu’ils avaient menti, pour engager leur deux pays dans une guerre illégale, inutile, et criminelle. Mais les peuples sur lesquels pesaient la lourde responsabilité de s’être donné en toute légèreté, de tels dirigeants, n’ont pas voulu se dédire à la face du monde entier, pour ne pas s’avouer par cela même coupables, et les ont reconduits, jusqu’à ce que bien sûr, ils n’en puissent plus.

Il se passera donc de longs mois, d’une gestion certes légitime, mais à n’en pas douter, catastrophique, d’un système à bout de souffle, et de toute évidence condamné par l’histoire, avant que cette situation déjà fort pénible, devienne littéralement insupportable, pour que toute légitimité à la gérer soit perdue, et qu’on comprenne enfin qu’il faut tout remettre à plat.

C’est alors que nous serons obligé de faire, mais dans les pires conditions, et avec la porte ouverte pour toutes les aventures, même les plus terrifiantes, telles que celles qui ont déjà par trois fois illustré les pages d’histoire de ce pays, ce que la raison et le bon sens, nous fait obligation de faire justement, dans le calme et la concertation, avant cette élection qui, dans la situation dans laquelle se trouve le pays, n’a strictement aucune signification. Car, en conservant bien les pieds sur terre, la tête sur les épaules, et la réalité bien en face de soi, on ne peut pas se préparer à désigner les responsables d’un système, dont nous comprenons bien l’extrême urgence qu’il y a à le défaire, et étant bien entendu que ce ne seront pas ceux que nous aurons placé là, qui vont se charger de cette tâche. Ceci, sauf si parmi eux, il se trouve par miracle un “Gorbatchev ”, qu’on ne saurait deviner dans ceux qui vraisemblablement, participeront au sprint final de cette élection.

En tout état de cause, se préparer sereinement pour cette élection, en se retranchant confortablement derrière tous les arguments de raison démocratique, qui nous font obligation de le faire, procède soit de la lâcheté, soit de la déraison, et il appartient à chacun de choisir son camp.

Quant aux hommes raisonnables, ils doivent comprendre la tâche qui leur incombe dès aujourd’hui, à savoir faire campagne, par tous les moyens qui sont les leurs, mêmes modestes, et pourquoi pas, en diffusant autant que possible ce texte, pour faire admettre le principe de nouveaux “états généraux ”, pour qu’une large concertation de toute la nation puisse s’ouvrir dans le calme, tant qu’il en est encore temps. Ceci, afin d’éviter tous les excès criminels de l’autre fois, et que puissent ainsi être définies, ce que devront être les formes d’une nouvelle société, en remplacement de celle qui vient de mourir de sa belle mort, et pour éviter de nous rendre à une élection qui ne pourra dans tous les cas être suivie, que de troubles incessants, comme des moutons à l’abattoir...


Paris, le 27 octobre 2011
Richard Pulvar