jeudi 3 novembre 2011

QUAND DISPARAIT L’ESPOIR, ET QU’APPARAIT LA HAINE






Qui dira, lorsqu’il faudra bien fouiller jusqu’au fond de notre conscience collective, pour pouvoir nous donner quelques explications quant à la raison de sa descente aux enfers, combien de mal toute une classe de carriéristes politiques inconséquents, qui n’auront jamais pris conscience des violentes et épuisantes crampes d’estomac, qu’un mode de vie indigeste, infligeait depuis si longtemps à ce pays, lui auront fait. Ceci, par naïveté ou par incompétence, ou par un manque de dévouement et authentique engagement, envers lui ?

Alors que tant d’alarmes que bien sûr, ne peuvent recevoir comme telles, que ceux que leur mode de vie n’a pas déjà trop éloignés du quotidien des citoyens de ce pays, auraient du lui faire prendre conscience de l’urgence qu’il y a, à redonner à ce pays la “foi” en lui-même, par des gestes d’une portée profondément novatrice, la classe politique française continue tranquillement à n’avoir comme principale préoccupation immédiate, que la préparation d’une élection où les uns s’emploieront à ravir les positions des autres, pour simplement s’y installer.

Cependant, il est manifeste que dans ce pays, pour des raisons qui ne sont justement pas celles qui, par facilité, se trouvent constamment évoquées pour expliquer cette situation, les choses ne vont pas bien, et même, qu’elles ne vont pas bien du tout. Qui le niera ?

Car, au-delà de la réalité objective de toutes ces difficultés que, pour en informer la classe dirigeante, certains gnomes de service s’emploieront comme d’habitude, à en édulcorer les témoignages, à l’aide de toutes ces statistiques obéissantes auxquelles ils feront alors dire ce qu’ils ont envie qu’elles disent, c’est dans un “vécu” amer et dramatique des choses, qui est incontestable celui-là, et qui n’est d’ailleurs pas nécessairement objectivement fondé, que réside l’extrême malaise et dangerosité de notre actuelle situation.

Que ces dirigeants ne se laissent pas ainsi tromper par la réalité objective des choses, puisqu’il est clair évidemment, qu’excepté le cas des marginaux, qui sont malheureusement de plus en plus nombreux, nous disposons encore dans ce pays, d’un confort matériel que nous envieraient les trois quarts de notre humanité. Cependant, si ce confort ne devait constituer le cadre pour nombre de citoyens, que d’une “désespérance” sévère et délétère, parce qu’il serait celui d’un endroit d’où aurait été balayé de l’horizon, la vision de tous les lieux d’un mieux être, combien même ce cadre serait-il des plus convenable, que cela ne diminuerait absolument en rien, le sentiment corrosif et obsédant de celui qui se trouve ainsi privé d’horizon. Car il comprendrait que, quelque chose, ou quelqu’un, lui “ruine” l’existence, puisqu’il ne peut plus, ni espérer, ni rêver, ni entreprendre afin de ce rêve.

L’adage dit bien que “l’espoir fait vivre”, et c’est donc bien tout à fait logiquement qu’il nous faut constater, qu’inversement, la désespérance constitue une atteinte à l’existence, et il est clair que, par-delà les nécessités immédiates de notre survie, c’est bel et bien d’espoir que se nourrit notre existence, puisque c’est justement lui, qui nous détermine à survivre.

Il était donc de la plus haute responsabilité des cadres politiques de ce pays, qu’ils exercent le pouvoir ou qu’ils s’opposent à cet exercice, de veiller par dessus tout comme des vestales, à ce que ne s’éteigne pas le “feu sacré” de l’espérance d’une nation pour elle-même. Mais l’erreur dramatique et malheureuse de ceux qui furent pourtant les plus généreux d’entre eux, fut de vouloir se substituer par un traitement social, à l’action autonome des individus afin de leur propres nécessité, parce que mis dans une incapacité “occasionnelle”, en rendant par cela même et d’une façon humiliante pour eux, cette incapacité “nominale”.

Car, jamais au grand jamais, les individus n’ont demandé qu’on s’en vienne à leur secours en faisant la “nounou”, geste gratifiant pour des élus voulant se montrer secourables, généreux et humanistes, et leur permettant à l’occasion d’entretenir leur clientèle. Non, ce que tous ces hommes n’ont cessé d’exiger depuis des années et en toute légitimité, c’est que soient enfin dégagées les voies par lesquelles il leur sera possible d’exercer avec efficacité, sans se faire exploiter, sans se faire sous-employer, sans se faire exténuer, sans se faire mépriser, sans se faire humilier, et sans se faire précariser, afin d’une fière satisfaction par leur propre effort, de leur nécessité. Et ceci, parce qu’ils se savent parfaitement capables, compétents, et ardents, pour cela.

Bien sûr, tant que ces voies n’auront pas été dégagées par la puissance publique, il est clair qu’une société qui manque déjà à sa fonction première, qui est d’établir en son sein une synergie entre les exercices des uns et des autres, leur permettant d’avoir quant au règlement de leurs problèmes, plus d’efficacité que s’ils opéraient isolément, ne saurait en plus abandonner dans l’indigence, ceux pour lesquels elle n’a pas réservé de rôle. Il lui faut donc pourvoir à la nécessité de ceux-ci d’une façon satisfaisante, pour pouvoir au moins bénéficier d’un point de vue économique, de l’avantage du “facteur multiplicateur”. Il s’agit là de ce mécanisme économique, établi par le fait que ce sont les dépenses des uns, qui constituent les revenus des autres, et qui impose que dans la double fonction économique du citoyen, à savoir producteur, et consommateur, la seconde soit au moins préservée, à défaut de la première.

En fait, contrairement à ce que ne cessent de proclamer certains esprits faibles de la droite la plus réactionnaire, il en coûterait beaucoup plus à la nation de ne pas secourir ceux abandonnés sur le bas coté de la route de l’emploi, que de les secourir, car il n’y a rien de plus totalement contagieux que la misère qui court, lorsque ceux rendus au chômage, entrainent à leur tour le chômage de ceux auprès desquels jusqu’alors, ils s’approvisionnaient.

Cependant, pour bien fondé que soit humainement et économiquement le traitement social du déficit d’activité, il demeure que celui-ci ne permet pas pour autant de dégager l’horizon, pour que les endroits du mieux, rendu visibles, soient à nouveau poursuivis.

Ce dont il est question ici c’est du constat séculaire selon lequel il doit être bien entendu que “l’homme ne vit pas que de pain”.

Ainsi, l’exercice de cet l’homme ne peut-il pas être réduit, à une quête de la nécessité matérielle quotidienne, et à une préoccupation de provisionner afin de celle-ci. Car, il se trouve de plus déterminé selon une quête de “mieux-être”, dont l’exigence va bien au-delà de la seule satisfaction “possessive” de ses besoins matériels fondamentaux, puisqu’il est alors question d’une satisfaction “affective” cette fois, dans sa façon d’être avec ce qui lui est autre, qui se distingue de la première par son “double sens”, entre ce qu’il reçoit d’autre, et ce qu’il donne à autre, et qui nécessite donc pour lui, un espace “d’expression” envers cet autres.

En fait, il s’agit en cette quête de mieux être de l’homme, d’une exigence quant la “l’intensité” de son être, donc quant à la valeur “qualitative” de celui-ci, sans laquelle sa valeur “quantitative”, c’est à dire sa simple “durée”, n’aurait pas beaucoup d’intérêt. Mais, cependant, c’est pourtant de celle-ci dont nous sommes habituellement les plus préoccupés.

Soyons clairs. Lorsqu’il décède à seulement 52 ans, après avoir été nommé commandant en chef de l’armée d’Italie à seulement 27 ans, mené l’expédition d’Egypte à 29 ans, être devenu premier consul à 30 ans, puis proclamé empereur des Français à 35 ans, ce Napoléon à de toute évidence, bien plus “vécu”, grâce à la très forte “intensité” de son être, que tous les retraités qui se coulent actuellement des jours tranquilles, à plus de soixante dix ans. Ceci pour dire qu’il ne sert pas à grand chose à un être, de vivre longtemps, si c’est pour vivre sans “passion”, autrement dit sans que rien d’intense ne “se passe” pour, et par, lui. Or, cette intensité de l’être, nécessite pour lui “d’éprouver”, selon toute une déclinaison de sentiments, ce qui ne peut avoir d’occasion pour lui, qu’au travers une diversité “d’épreuves”.

Ainsi, même si par la mise en œuvre d’immenses usines de robots, nous parvenions à assurer le nécessaire matériel pour tous, sans que d’aucun n’ait plus la nécessité de produire quelque effort pour cela, pour autant, le problème “existentiel ” qui se pose aux citoyens, ne serai réglé en rien. Car les hommes ont bien sûr besoin de tout ce qui leur est matériellement nécessaire pour vivre, mais ils exigent de plus, de vivre “passionnément”, ce que le traitement social de l’insuffisance d’activité et de revenu, ne permet justement pas de faire.

Il convient donc que non seulement, les voies permettant à l’individu d’exercer, afin de la satisfaction de ses nécessités par son propre effort, lui soient ouvertes, mais que de plus, elles débouchent sur un horizon ou apparaitront les lieux d’un mieux être accessible, en lesquels il croira et dès lors, qu’il “espèrera”, et auxquels il se fixera d’accéder au travers de passionnantes épreuves.

Ceci revient à dire qu’il faut qu’en tout moment l’individu puisse “entreprendre”, qu’il ait toujours matière pour cela, que cet engagement ne soit par pour lui une “punition”, comme beaucoup de ces emplois qui sont proposés sur le marché, et qu’il ait l’assurance et l’espoir de parvenir à un réel mieux-être, par un développement généreux de son effort.

C’est parce que les conditions pour cela ne sont pas réunies, à cause de la carence de la puissance publique, que certains dans les quartiers, décident de se lancer dans quantités de trafics illicites. Ceci, non seulement pour le gain, mais également parce que selon une forme que nous jugerons bien sûr, médiocre, de “l’ambition”, mais qui est la seule qui en leur situation, leur semble possible, puisque leur horizon demeure autrement totalement bouché, constitue malgré tout leur façon à eux, d’entreprendre. Dès lors, et tel que nous pouvons le constater, la peur du gendarme demeure totalement inopérante contre ces trafics, puisque c’est justement celle-ci qui confère à ces entreprises leur caractère “d’épreuves passionnantes”.

Il en est, dans d’autres quartiers, pour lesquels les trafics ne sont clairement pas la voie de l’entreprise, mais qui restent sur l’idée que leur horizon ne se trouve pas bouché, par la seule fatalité des choses.

Cette conviction intuitive, repose sur l’idée que le “hasard”, précisément parce que tel, ne peut manquer de ménager des “chances” en diverses occasions, et que la privation totale de celles-ci, ne peut justement rien devoir au hasard. Ceci suffit à établir la légitimité défensive des hommes sans objectif, à manifester leur vindicte contre les “fauteurs” de ruine de l’espoir. Dans une telle situation, il faut absolument qu’il y ait quelqu’un d’identifié comme étant la cause du vide, du manque d’avenir pour les autres, soit parce qu’il s’en est approprié tous les objets, soit parce qu’il est d’une nature rebelle au bon ordre des choses, ce qui les rend impossibles. Il faut donc qu’il soit dénoncé, pourchassé, et châtié, pour que soit mis fin à cette anomalie.

Ceci signifie que pour ces hommes sans espoir, il leur faut absolument un ennemi à détester, et ils finissent toujours par se le procurer.

C’est alors que se dessine opportunément pour ces hommes perdus, la plus noble et la plus passionnante des missions, celle dont l’épreuve leur permettra de se révéler à eux-mêmes, comme étant d’une qualité qui mérite reconnaissance, se satisfaisant alors d’être craints, à défaut d’être aimés. Ceci, en se fixant de libérer le peuple et la nation, de ceux qui sont la cause de tant de tourments. Face à cet appel à la rescousse, dont ils sont convaincus que leur adressent les dieux protecteurs de la nation, les récriminations d’humanistes contre les crimes qui se préparent, ne pèsent pas bien lourd.

Toute la puissance de la dynamique de ces groupes extrémistes, dans lesquels se réfugient les hommes perdus, réside dans le fait qu’ils y trouvent précisément tout ce dont la nation désormais les prive, et qui leur demeure pourtant aussi essentiel pour vivre, que le pain.

Ils y trouvent en effet, l’amitié, la fraternité, l’entraide, la pleine “appartenance”, la cohésion du groupe, et la soumission à la règle, qui ont déserté le reste de la société. Ils y trouvent en plus, l’enthousiasme, l’espoir, une haute mission entrainant une valorisation et une reconnaissance de leur personne, fréquemment méprisée ailleurs, et surtout, un sentiment de force et d‘efficacité, dans une union sacrée face aux ennemis de la nation. S’ajoute à cela, l’esthétique de mises en scène fascinantes, au cours desquelles ils se sentent devenir bien plus que ce qu’ils n’étaient jusqu’alors.

C’est parce que s’étant déjà montrés toutes ces années, incapables de favoriser l’activité, ils n’envisagent jamais de devoir satisfaire aux nécessités affectives, culturelles, idéologiques, et disons le franchement, “narcissiques”, de la nation, tout autant qu’à ses nécessités matérielles, que ceux qui en ont actuellement la charge, nous engagent dans la voie où certains pour se sentir mieux être, se fixeront bientôt eux-mêmes des épreuves, seraient-elles les plus criminelles.

Paris, le 2 novembre 2011
Richard Pulvar