vendredi 18 novembre 2011

DE LA RESIGNATION A L’EXPIATION




Ceux d’avant 1914 avaient pourtant bien vu venir les choses. La rivalité franco-allemande n’avait fait que s’accroitre depuis 1870, et la perte de l’Alsace-Lorraine par les Français. Elle fut émaillée de nombreux incidents sur des scènes extérieures comme au Maroc où les deux nations rivales, dans leur égale volonté d’établir leur protectorat sur ce pays, faillirent déjà s’affronter violemment. La mécanique des alliances qui donnait à l’Allemagne un sentiment d’encerclement, la volonté farouche des “revanchards” français d’en découdre à nouveau, l’agitation dans les Balkans qui menaçait l’Autriche-Hongrie, les politiques de course aux armements, et la fièvre qui gagnait chaque jour davantage les chancelleries européennes, ne laissaient guère de doute sur le fait d’un affrontement à venir.

Cependant mis à part quelques uns comme le grand Jean-Jaurès, auquel cette démarche coûtera malheureusement la vie, peu d’hommes se sont farouchement opposés à cette perspective. Certains s’en réjouissaient, d’autres s’y étaient résignés, mais il est certain que ni les uns ni les autres, ne supposaient pas même un seul instant, l’ampleur apocalyptique du cataclysme qui allait s’abattre sur eux, comme un déluge de tous les malheurs.

Ainsi, cette rage guerrière va-t-elle s’alimenter de la saignée à mort de neuf millions de ces précieux et irremplaçables hommes de la jeunesse européenne, sans compter les blessés et les estropiés en plus grand nombre encore, dans un cadre lunaire de dévastation totale, qui sera la scène où tout ce qu’il peut y avoir de l’humain, le cèdera chez ceux-là, à tout ce qu’il peut y avoir de la bête.

Il est bien évident que si tous les résignés avaient pu supposer avant cela, ce que leur coûterait leur manque d’engagement pour la sauvegarde de la paix, il est certain qu’y mettant toute leur énergie, et en réclamant l’ouverture de négociation afin d’un règlement pacifique des différents, ils l’auraient préservée.

Quelque vingt-cinq années plus tard, ceux d’avant 1939 savaient bien eux, parce que beaucoup d’entre eux avaient été de la “vielle”, ce que signifiait tout ce qui se préparait, mais cependant, convaincus de leur supériorité écrasante, ce qui sur le papier, du fait de l’alliance des forces françaises et britanniques, était vrai, et qu’ils n’avaient désespérément à faire qu’à un ennemi que rien ne saurait raisonner, parce qu’il porte la guerre dans ses gènes, se sont simplement préparé à devoir encore une fois, affronter. Ils sont alors bien loin d’imaginer, retranchés derrière leur puissante ligne Maginot, que quinze jours seulement d’une campagne éclair contournant celle-ci, allait leur infliger la plus humiliante et la plus accablante défaite de leur histoire, où une occupation féroce sous la botte de l’ennemi, fera supporter aux civils, l’essentiel du poids de la guerre.

Cependant, leur latitude pour éviter le drame, était il est vrai limitée, ce qui n’était pas le cas de ceux d’en face qui, armés d’un fanatisme qui les a tiré de l’enfer d’une humiliation et de la privation d’une large partie de leur terre, et convaincus que la fois d’avant ils ne furent pas vaincus, mais trahis par leurs dirigeants, se sont fiévreusement préparés pour laver l’histoire de l’affront et en finir une bonne fois, avec la race inférieure de l’ennemi héréditaire. Ainsi, aux heures de leurs grandes messes “wotaniques” à la gloire de leur nation, ils sont bien loin d’imaginer ce que, passé ces moments de soûleries nationalistes, sera leur gueule de bois.

Ainsi, pas moins de six millions des leurs, chiffre effrayant si pour se le représenter, on s’abstient quelques instant de considérer qu’ils en sont les responsables, constitueront le prix terrible de leur égarement, sans compter les destructions, l’occupation durable de leur territoire, après qu’ils aient encore été dépossédés d’une partie de celui-ci. Et surtout, une honte nationale qui les pourchassera jusqu’à la fin des temps, pour les horreurs sans nom auxquelles ils se sont livrés, et pour avoir infligé par une contagion de leur folie guerrière sur quatre des cinq continents, plus de cinquante cinq millions de morts à notre humanité.

Tout ceci pour dire qu’à l’heure où tous les éléments d’un terrible drame à venir, se mettent en place, et où il est encore temps malgré tout, d’arrêter le compte à rebours infernal, c’est alors que les hommes manquent totalement d’imaginer, le prix totalement démesuré qui sera celui de leur manque de vigilance, de courage, et d’à propos, dans ces moments cruciaux.

Qui peut encore sérieusement douter, au regard des événements de ces derniers temps, où des dirigeants incapables de mener à bien les affaires de leurs nations, sont du matin au soir en quête des arguments fallacieux qui leur donneraient l’occasion de nouveaux conflits guerriers, pour masquer leur faillite totale, où des populations entières s’enivrent comme d’autres par le passé, de tous les mensonges qui tendent à les présenter à leur propres yeux, comme défenderesses universelles de la liberté et de la démocratie, alors même qu’on ne cesse d’assassiner au nom de cela, et où les puissances d’argent n’ambitionnent rien de moins, que d’imposer leur dictature aux états et aux peuples, que nous nous trouvons bel et bien à la veille d’un de ces terribles drames ?

C’est l’incapacité dans laquelle nous nous trouvons à cette heure, d’imaginer tout ce que ces événements indicibles mais à venir, que nous voulons continuer de voir aveuglément, comme les habituels conflits sociaux, avec manifs, tracts, et banderoles, nous promettent de cruautés, de désastres, et d’horreurs, quand toutes les haines et les rancœurs accumulées depuis si longtemps, s’offriront par un événement qui pourrait même être tout à fait banal, une occasion de s’exprimer, qui nous vaut le calme, la tranquillité, et l’indifférence actuelle.

Ainsi, des millions de gens dans tant de pays, sentant bien que quelque chose hors du commun se prépare, sont-ils résignés à faire simplement face à ce quelque chose, auquel ils ne doutent alors pas une seule seconde, qu’ils y survivront...

Or, malheureusement, ce ne sera justement pas le cas, et pas davantage que ceux d’avant 1789, d’avant 1830, d’avant 1848, d’avant 1914, et d’avant 1939, qui tous eux aussi, avaient bel et bien vu que quelque chose d’inadmissible ne tarderait pas à se passer, les hommes résignés d’aujourd’hui ne survivront au drame qu’ils auront tranquillement regardé, et accepté, se mettre en place.

Il est tard, mais il n’est pas encore trop tard, pour que dans un sursaut de vigilance et de responsabilité, nous mettions toute notre énergie pour refuser de nous laisser entrainer, là où des apprentis sorciers veulent à tout prix nous amener, et pour commencer, défions-nous de tous ces élus et tous ces partis de traitres et de capons, qui une fois de plus, vont soutenir les extravagances guerrières de ceux qui se proposent maintenant, de porter la guerre en Iran, en se délectant par avance d’aller mettre le feu au baril de poudre, car cette fois, personne n’a le droit de trahir son intelligence la plus basique pour s’offrir d’en douter, ce sera la fois de trop…

Paris, le 18 novembre 2011
Richard Pulvar

QUAND LE MARCHE NE MARCHE PLUS






Pour que nous soyons enfin libérés de ce cancer social que constitue le chômage, la logique immédiate voudrait que nous puissions bénéficier d’un accroissement conséquent d’activité. Dans ce sens, cette augmentation d’activité, tant par la récupération de parts du marché intérieur, que par des avancées sur les marchés extérieurs, exige des gains de productivité afin d’un abaissement concurrentiel des coûts de production, qui ne peuvent s’obtenir tout d’abord, que par la “robotisation” des activités, ce qui dans un premier temps, ne fait qu’augmenter encore le chômage. Et ceci, sans aucune garantie que même si elles le sont, les marges éventuellement réinvesties dans le pays, permettrons de compenser ces pertes par la création de nouvelles activités, dont les produits pour s’imposer, devront eux aussi résulter d’activités à haute productivité, peu pourvoyeuses d’emploi.

L’autre voie, c’est celle d’une réduction des coûts salariaux, par la mise hors jeu des séniors les mieux payés, par une augmentation de la durée du temps de travail, pour ceux qui ont la chance d’en posséder encore un, ce qui, en attendant que les gains de parts de marché, qui ne sont évidemment pas immédiats, soient réalisés, c’est à dire à activité égale, implique fatalement d’une façon ou d’une autre, une réduction des effectifs, et par une réduction des prestations sociales qui, équivalente à une diminution du pouvoir d’achat, se traduit forcément par une diminution du marché intérieur, et finalement par une augmentation du chômage.

Ainsi, cette seconde voie n’offre pas davantage de garantie d’augmentation globale de l’activité que la première, dans un système ou ce sont évidemment les dépenses des uns, qui participent aux salaires des autres.

En fait, ces voies ont été toutes les deux tentées, par nos responsables politiques, avec l’insuccès total que nous constatons, puisque le nombre de chômeurs ne fait que constamment et tristement augmenter.

En réalité, tous ces messieurs pourront toujours faire toutes les cabrioles possibles, en nous infligeant une succession de plans économiques, plus techniques les uns que les autres, pour nous promettre la sortie du tunnel, ce système de “marché”, et c’est bien de cela même dont il s’agit fondamentalement, ne nous permettra jamais, par ce qu’il constitue lui-même, d’atteindre cet objectif poursuivi de plein emploi résultant d’une haute productivité. Et ceci, tout simplement parce que c’est la dynamique de ce marché lui-même, qui aujourd’hui le condamne.

Comprenons ici que le système de “marché”, n’est ni bon ni mauvais en lui-même, ce sont les circonstances de son utilisation qui le rendent adapté ou non. Dans sa pleine efficacité, il correspond à une “période” et à cette période seulement, de l’histoire économique d’une nation, et s’il fait merveille dans les pays dit “émergents”, alors qu’ici il ne débouche sur plus rien de valable, c’est tout simplement parce que ces pays ne se trouvent pas au même “moment” de l’histoire de leur développement économique que nous. Il s’y trouve encore en effet, toutes les pénuries qui font la gloire du marché qui dans ce cas, constitue un instrument très efficace, pour pouvoir lutter contre celles-ci. Mais chez nous, c’est précisément parce que le marché s’est déjà montré très efficace, qu’il ne sert désormais plus à rien, et ne se maintien que par des pratiques “perverses”, tels les mécanismes de certaines institutions économiques, comme par exemple la Politique Agricole Commune (PAC) de l’Union Européenne, qui permettent de recréer artificiellement, les pénuries qui autrefois le justifiait pleinement.

Soyons clairs. Même si nous possédions tout l’argent pour cela, nous n’aurons jamais, ni l’utilité, ni même tout simplement le “temps” nécessaire, pour pouvoir consommer tout le volume considérable de biens et de services, qu’impliquerait au niveau de la planète entière, le plein emploi, allié à une haute productivité, car il ne se trouve justement, physiquement, aucun marché, fut-il mondial, capable d’absorber un tel volume. L’accélération considérable des gains de productivité, grâce justement au marché qui en cela, a logiquement fonctionné contre lui-même, fait qu’aujourd’hui, plein emploi et haute productivité, ne peuvent valoir pour la planète entière, et alors que nous constatons déjà les prémisses de cette nouvelle situation à venir, le jour où les Africains eux aussi s’y mettrons pleinement, et ce jour viendra, ce jour là, même les Chinois souffriront...

C’est donc parce que le marché à parfaitement fonctionné, qu’il a signé par cela même, son propre arrêt de mort. Il n’avait pas plus qu’aucune autre de nos institutions humaines, vocation à l’éternité. Il faut le comprendre, et cesser de s’agiter stupidement dans des opérations basées sur son maintien artificiel, dans un acharnement thérapeutique voué à l’échec, et se préparer en bonne intelligence à sa fin, en faisant fonctionner notre capacité conceptuelle, pour nous donner le nouveau système logique de notre époque, et qui doit le relayer...

Paris, le 16 novembre 2011
Richard Pulvar