mardi 28 août 2012

SEDUIRE OU SE FAIRE DETESTER, LE GRAND ART DE LA DOMINATION




Il est reconnu que la séduction est un redoutable instrument de domination, celui-là même qui selon les écritures, nous vaut la rudesse de notre vie terrestre, et tous les hommes qui malgré eux, se sont trouvés un jour totalement subjugués par le charme d’une intrigante, l’ont très durement expérimenté en se faisant alors “tout petits devant une poupée”, selon la mésaventure de Georges Brassens.

On suggère souvent mais sans jamais très précisément les décrire dans leur historicité, le fait de quelques furieuses batailles, déséquilibrées à cause de la différence des armements, pour rendre compte de l’incroyable facilité avec laquelle, quand il ne s’agissait pas de seulement quelques poignées d’aventuriers, des troupes ont pu soumettre presque tout un continent, alors qu’il est vérifié que leurs effectifs furent extrêmement faibles, eu égard à ce qui se trouvait mis en œuvre dans les conflits européens à cette même époque.

Bien sûr, l’affaiblissement du continent fut opéré pendant des siècles, principalement à cause de la traite esclavagiste et tous les déséquilibres sociologiques que celle-ci a entrainés. D’autre part, la lente pénétration s’est faite également à la faveur du recrutement de supplétifs locaux, et grâce à une très habile politique d’exploitation des rivalités, empêchant que puisse se constituer un front uni contre le colonisateur.

Cependant si, concernant l’empire colonial français par exemple, il y eut bien quelques hauts faits d’armes, principalement au cours des conquêtes de l’Algérie, de Madagascar, et de l’Indochine, ils ne suffisent pas pour autant à expliquer comment un pays comme la France a-t-il pu se tailler aussi facilement, c’est-à-dire en ne mobilisant qu’une infime partie de ses forces armées, un gigantesque empire vingt cinq fois plus étendu que lui...!

En réalité, il est clair que celle-ci intervenant bien après que le terrain eut été préparé par les explorateurs subjuguant, venant d’au-delà des mers avec leurs curieux équipages, et les missionnaires avec leurs curieux enseignements, c’est bien la fantastique “fascination” qu’ont exercée les nations européennes sur les peuples d’Afrique, et particulièrement sur leurs chefs, et qu’à leur corps défendant les uns et les autres éprouvent encore jusqu’à aujourd’hui, qui a facilité leur prise d’autorité sur ces territoires...

En effet, comment les chefs n’auraient-ils pas rêvé au moins un instant, d’étendre et de renforcer leur puissance avec les moyens dont disposaient ces étrangers, et dont ils faisaient étalage, au prix de quelques accords avec eux, avant de comprendre mais bien trop tard, qu’on ne peut se mettre à table avec le diable, que si l’on dispose d’une longue fourchette pour demeurer hors de sa portée ? Et comment les autres quant à eux, auraient-ils pu combattre avec détermination ceux qu’ils constataient faits à l’image du nouveau et puissant dieu qui leur avait été révélé, et qui devaient donc posséder par leur nature un peu de sa puissance, ces hommes dont la richesse, la technicité, la science, l’industrie, le savoir faire, leurs tenues et la puissance de leurs armes, tout autant de dispositions auxquels ils désiraient eux aussi accéder, les avaient éblouis...?

La beauté, la force, la richesse et la science, fascinent les peuples sous toutes les latitudes, et les Africains furent donc fascinés, et par le fait infériorisés à leurs propres yeux. Ceci, bien avant de succomber par la brutalité au joug colonial qu’ils mettront alors longtemps à s’imaginer, non seulement capables, mais de plus autorisés par le ciel et par la logique de la destinée, à faire vaciller.

Vint donc l’heure des indépendances. Mais si l’intimidation militaire avait grandement perdu de sa force, après que l’orgueilleuse métropole ait subi de lourds revers en Indochine et en Algérie, la force de séduction qu’exerçait encore celle-ci par la qualité de ses réalisations, et par le fait que les colonisés s’étant fait de sa culture, pensaient et jugeaient désormais tout comme elle de la valeur des choses, entraina chez eux alors devenus des ex-colonisés, le sentiment confus que même s’ils s’étaient formellement séparés d’elle, la voie du progrès demeurait malgré tout située pour eux, dans le sillage de cette ex-métropole.

Cependant, si par un exercice de séduction culturelle vantant les avantages de sociétés auxquelles les autres se voyaient désormais fermé l’accès, allié à des opérations militaires pour supprimer ceux qui par la conscientisation, voulaient libérer leur peuples de ce tropisme, les métropoles on pu continuer à exercer leur domination, elles ont de façon inattendue et totalement cynique, utilisé le stratagème du développement d’un sentiment diamétralement opposé, mais relevant chez les individus de la même disposition affective, pour asservir d’autres peuples.

En effet, ces puissances occidentales ont eu tôt fait de constater qu’après qu’ils aient été fortement séduits, loin de demeurer simplement subjugués par eux et ainsi soumis, certains peuples se sont attachés à bien trop leur ressembler, au point qu’après s’être établis selon leur modèle de société, et après s’être faits de toute leur science et de toute leur technicité, ils sont parvenus à devenir pour eux de redoutables concurrents, mettant en cause leur suprématie.
L’option nouvelle, concoctée par des services qui n’ont précisément pas vocation à faire de la publicité quant à l’objet et les résultats de leurs travaux, de sorte qu’avant la mise en œuvre de cette option, nul ne soupçonne son effroyable machiavélisme, fut pour eux de se faire cette fois tout au contraire copieusement “détester”. Ceci, avec un double objectif. Tout d’abord dissuader en leur rendant ce système moralement condamnable, certains peuples disposant de ressources naturelles telles que le pétrole, d’accéder à un modèle de société de type occidental selon lequel ces richesses pourraient faire merveille.

Selon cette option, les puissances dominantes vont d’abord s’attacher à détruire ceux qui avaient déjà emprunté la voie de la modernité, c’est-à-dire l’Iran du Shah, et surtout l’Irak laïque de Saddam, nations qui autrement seraient déjà devenues aujourd’hui, grâce à leur ressource pétrolière, des puissances irréductibles. Ceci, en provoquant ou en favorisant la venue en cette région de crise dévastatrices telles que la révolution islamique qui l’espéraient-elles, aurait du freiner durablement le développement de l’Iran.

Il y aura ensuite le meurtrier conflit Iran-Irak, où elles vont alimenter en armes jour après jour huit années durant, les deux camps, la mise en place des conditions devant entrainer l’invasion du Koweït par Saddam, pour avoir une première occasion de détruire l’Irak, l’entretien d’un soupçon d’armes interdites pour infliger à ce pays douze années d’un terrible embargo, et finalement son invasion sous ce même prétexte.

Il est remarquable que rien des grosses ficelles de toutes ces manipulations, ne fut caché, et qu’il n’y eut aucune retenue dans les outrances guerrières criminelles faites contre ces nations, parallèlement aux prises de position de la plus totale injustice, concernant l’affaire de Palestine. Le but est de laisser clairement entendre à ces croyants martyrisés, que l’occident constitue un système de société qui offense Dieu, et que ce serait une grave faute d’en emprunter les mœurs sociales, telles que la laïcité, la démocratie, et l’égalité des sexes...

C’est donc tout à fait logiquement que l’on retrouve ces mêmes service occidentaux, derrière ce que, faisant écho à la propagande, beaucoup se sont naïvement précipité d’appeler avec optimisme le “printemps arabe”, qui n’avait d’arabe que ses acteurs, mais certainement pas le metteur en scène, et dont nous voyons bien aujourd’hui par la tournure que prennent ces événements, ce qui les sous-tendait, c’est à dire une volonté de ramener des nations autrement vouées à devenir puissantes, dans les ténèbres d’un obscurantisme religieux.

Partant de là, l’autre aspect de ce stratagème, consiste à créer chez ces peuples un tel ressentiment contre l’occident, une telle haine, que les plus engagés des hommes dans la lutte contre ce système, vont se montrer prêt à contraindre par tous les moyens même les plus ignobles, ceux des leurs qui sembleraient malgré cela continuer de s’accorder avec les mœurs occidentales.

Ainsi, la haine féroce d’un occident totalement discrédité, est-elle devenue de façon surprenante, l’élément par lequel les occidentaux vont se garantir de ne plus se trouver en concurrence par davantage de peuples, surtout ceux qui disposant de ressources naturelles, pourraient aisément les mettre en difficulté, en condamnant ces pays à leur “autodestruction”.

Ceci, tout d’abord par les affrontements meurtriers auxquels leurs citoyens se livreront entre eux, et par les régimes autoritaires qui découleront fatalement de ces situations, lesquels comme les Chinois qui en sont heureusement sortis, en ont fait l’expérience, sont totalement stérilisants quant aux initiatives personnelles qui font le dynamisme des nations. Mais cette malédiction exercera surtout par le fait que ces peuples tourneront durablement le dos, à toutes les avancées sociales qui, pour avoir été un temps promues par l’occident, ne lui sont en rien spécifiques parce qu’elles sont en réalité de portée universelle, et qui sont absolument incontournables dans la quête d’une nation dans la voie de sa félicité...

C’est d’ailleurs parce qu’au bout de toutes ces années, l’Iran semble sortir peu à peu des carcans dogmatiques qui l’empêchaient, en manifestant grâce à l’action de modérés, voire de contestataires du régime, des évolutions sociales et idéologiques de nature à la faire renouer avec la grandeur et l’efficacité, que l’occident s’acharne à exercer sur ce pays une pression sans pareille, pour l’enfermer dans un autoritarisme et une rigidité que justifierait un état de guerre...

Il semble cependant qu’il soit trop tard, l’Iran est déjà trop forte, et de plus, elle n’est pas seule...


Paris, le 27 aout 2012
Richard Pulvar

Pour information. ( Wikipedia )


Événements de Sétif (8 mai 1945)

Article principal : Massacres de Sétif et Guelma

Sur instruction du général de Gaulle, du gouverneur général d'Algérie Yves Chataigneau, du sous préfet André Achiary et sous la responsabilité du général Duval, l'armée a mené une action sanglante pour réprimer cette insurrection, qui sonna la fin de la cohabitation pacifique entre pieds noirs et Algériens et la naissance du sentiment national algérien.

Bien qu'ayant pour objectif officiel de rétablir l'ordre, cette répression aveugle eu pour conséquence de cristalliser un profond sentiment d'injustice déjà latent dans la population. Estimant que l'on juge une action par ses conséquences et non par ses intentions, plusieurs analystes stratégiques estiment que la France métropolitaine avait l'intention non avouée de se débarrasser des départements d'Algérie pour préserver son potentiel de développement.

- L'occasion fut donnée d'identifier et de liquider les réseaux financiers nazis qui soutinrent la frange radicale et indépendantiste du mouvement national algérien. Les autorités françaises n'en firent rien.

- Si une majorité de pieds noirs aurait fini par accepter, de gré ou de force, l'indépendance de l'Algérie, il n'en était pas de même pour la population musulmane qui était majoritairement pro-française, ou du moins avait objectivement intérêt à obtenir les mêmes droits que les citoyens français de la métropole (droit de vote, protection sociale, etc.) Ce mouvement de normalisation de la société algérienne était inévitable et était inscrit dans les luttes naissantes pour l'égalité et les droits civiques, en métropole mais aussi en Inde, aux États-Unis, et ailleurs encore. Cela aurait été un sérieux handicap pour la reconstruction de l'économie française. Il fallait à tout prix trouver le moyen de pousser ces Algériens à haïr la France.

- Le mouvement nationaliste algérien naissant avait besoin d'un sérieux coup de pouce et les massacres de Sétif y contribuèrent. Cela mis un coup d'arrêt à l'évolution de la société algérienne et cristallisa les antagonismes, ce qui déboucha sur la guerre d'indépendance.

- Les communistes furent un temps divisés sur la question de savoir s'il fallait soutenir les luttes sociales et les droits civiques des travailleurs algériens plutôt que la lutte pour l'indépendance pure et simple, puis finalement optèrent pour le soutien au F.L.N., sans doute sous la pression de Moscou qui voulait élargir son influence dans la région. L'ampleur du massacre de Sétif acheva de convaincre les hésitants.

Voir l'article massacre de Sétif pour plus de détails. Raymond Duval jeta un regard lucide sur ces événements car il écrivit à sa femme : « Depuis le 8 mai, un fossé s'est creusé entre les deux communautés. Un fait est certain : il n'est pas possible que le maintien de la souveraineté française soit exclusivement basé sur la force. »




mercredi 15 août 2012

FACE A L’EMPIRE MORIBOND, L’ANEANTIR, OU LE RETABLIR ?



Sur la carte ci-dessus, sont représentés en vert foncé, le premier empire colonial français, qui fut perdu tout d’abord par les déboires de la guerre de sept ans, mais surtout par le manque total de vison d’avenir et donc d’intérêt pour ces terres, de Louis XV, Louis XVI, et Napoléon, et en vert clair, le second empire colonial qui quant à lui, n’a pu se maintenir que dans cette forme moribonde de lui qu’on appelle désormais, la “Françafrique”.

Le premier était constitué par d’immenses territoires d’Amérique du nord, une grande partie du Canada, et près de la moitié des Etats Unis actuels. Ceci, grâce à l’action des premiers explorateurs et colons français tel que Cartier, Champlain, Cavelier de la Salle, et d’autres. Ils se situaient alors dans le sillage de Verrazano, ce navigateur italien que François premier, contestant le traité de Tordesillas par lequel, sous l’autorité du pape, Espagnols et Portugais s’étaient partagé les terres déjà découvertes et à découvrir aux Amériques, envoya en mission pour découvrir des terres au bénéfice de la France. Verrazano sera ainsi le premier à découvrir l’embouchure de l’Hudson, sur les bords de laquelle va s’édifier la future Nouvelle Amsterdam, qui deviendra encore plus tard la ville de New York. C’est pourquoi son nom sera donné au pont impressionnant qui à New York, franchi actuellement ce fleuve.

Il faut rappeler à ce sujet que les explorateurs et colons français sont parvenus en ces endroits plus d’un siècle avant les colons britanniques, mais pour des gens comme Louis XV, il ne s’agissait en ces terres lointaines du Canada que de “quelques arpents de neige”, et la métropole ne se donnera jamais les moyens de protéger son empire qui tombera presque d’un coup, sous la coupe des Anglais.

S’ajoutait à cet empire, l’ile de Saint Domingue, la plupart des petites Antilles, bien avant que les Anglais ne s’emparent de certaines, et près d’un tiers de l’Inde où là encore, les Français y sont parvenus avant les Anglais, mais n’ont pas su d’avantage qu’aux Amériques, défendre leurs possessions.

Le second empire colonial était plus essentiellement africain, mais encore plus étendu que le premier. Qu’on y songe bien, il était absolument gigantesque et s’étendait à son apogée en 1939, sur rien de moins que 13 500 000 km², soit vingt cinq fois la France, plus de trois fois la totalité de l’Union Européenne, et plus d’une fois et demi les Etats Unis d’Amérique...!

En fait, il n’y eut guère de plus étendu que lui tout au long de l’histoire, que l’empire britannique, et l’empire russe, et s’il s’était maintenu, il serait fort aujourd’hui de 400 à 500 millions d’hommes, et c’est toute la situation actuelle de la France qui en aurait été modifiée !

Dans les causes multiples de la chute de cet empire, il y eut pour les plus importantes, tout d’abord la défaite humiliante en 1940, de la France face à l’Allemagne, qui allait briser l’image de toute puissance de l’orgueilleuse métropole. Elle allait aussi être l’occasion de la prise de fonction dans les colonies, de gouverneurs aux idées pétainistes et de fait totalement rejetés par les “indigènes”, d’une inversion des rôles où c’était l’empire qui désormais, allait se porter au secours de la métropole, et également, de l’abandon total par cette métropole, des colonies lointaines de l’Indochine dans les mains d’un redoutable occupant japonais. C’est d’ailleurs de ces dernières que viendront les premières luttes de contestation de la prétention tutélaire d’une métropole, qui avait totalement manqué à sa charge protectrice, luttes dont la répression stupide entrainera la première guerre de libération qui, perdue par la métropole, sera le prélude à la destruction de l’empire...

Mais, la raison la plus fondamentale de la chute de l’empire, fut le refus stupide et borné de la métropole, sous l’influence des racistes et des colons, d’accorder enfin l’égalité des droits aux colonisés pour en faire des citoyens à part entière, cette métropole craignant de voir par le jeu démocratique, l’un d’eux se hisser aux plus hautes responsabilités de l’empire. Ceci, alors même qu’elle ne devait justement qu’à ces colonisés venus à son secours, en constituant après la défaite l’essentiel de son armée demeurée au combat, d’avoir pu s’assoir à la table des vainqueurs aux cotés de ses autres libérateurs, et se maintenir ainsi dans son statut de grande puissance. En refusant de la sorte, non seulement de se conformer une bonne fois à son discours humaniste de liberté, d’égalité, et de fraternité, mais de plus, d’honorer le prix du sang versés par les colonisés pour son salut, elle se condamnait.

A aucun moment et nulle part dans l’empire, l’indépendance n’a été réclamée pour elle-même par les colonisés. Elle n’a été exigée par ceux-là, que comme unique façon, face au refus obstiné et malhonnête de l’égalité des droits, de se soustraire à la condition humiliante et pénalisante de citoyens de seconde catégorie. Et c’est bien parce que cette égalité des droits fut exigée et curieusement, obtenue par les Antillais, dont l’histoire il est vrai est sensiblement différente de celle des autres colonisés, puisqu’ils ne l’ont au sens stricte du terme jamais été, que ceux-ci sont demeurés français jusqu’à aujourd’hui...

Du point de vue de la France, les choses sont bien claires.

La crise économique et monétaire européenne vient en effet de montrer d’une part, toute la limite de la positivité de cette construction, qui a garanti à ces nations des années de paix et de prospérité, mais qui risque tout aussi certainement de toutes les plonger dans le même désastre, sans plus qu’aucune ne puisse jouer une carte nationale, pour espérer en sortir. Dans ces conditions, la France apparait comme condamnée à être réduite au rang de simple province européenne parmi les autres, et si en tant que nation initiatrice et fondatrice de l’union européenne, et deuxième puissance économique de celle-ci, son influence y demeure très grande, il ne s’agit pas en cette union européenne technocratique, mais politiquement et diplomatiquement inexistante, d’un espace possible de sa réalisation et de son affirmation. Ceci, d’autant que c’est désormais l’Allemagne qui par sa puissance économique, y détient le véritable leadership.

Ainsi, l’intégration graduelle de la France dans une union européenne qu’elle ne peut plus dominer comme par le passé pour se la rendre familière, et par laquelle elle se trouve soumise à des lois et des règlements que souvent ses citoyens réprouvent, la condamne-t-elle à voir son identité nationale diluée, dans la construction d’une identité européenne artificielle, et de fait fatalement incertaine.

Car par définition, il n’existe bien sûr pas d’identité supranationale, et une identité européenne ne pourrait valoir que si cette Europe constituait une seule et même nation. Or, les trois éléments principaux d’une identité nationale sont, l’appartenance sous une même autorité, à un même territoire, le partage d’une même langue, et celui d’une même croyance. Mais, si l’espace Schengen, peut donner l’illusion de continuité territoriale, cette étendue n’est pas soumise à une seule et même autorité, et d’autre part, il n’existe ni une langue, ni une croyance européenne, mais une pluralité diverse de celles-ci.

Les Américains qui ont du faire face à la même difficulté, c’est à dire la très grande diversité de leur population, ont non seulement subordonné pour les choses essentielles, l’autorité des différents états à une autorité fédérale, mais ils ont de plus mené des décennies durant, une guerre impitoyable contre les minorités linguistiques, pour faire de la langue anglaise, le lien principal et identitaire entre les citoyens américains. En ce sens, ils n’ont pas fait autrement que les Romains, avec le Latin.

Croire qu’à l’instar des Etats Unis d’Amérique, il pourrait se constituer des Etats Unis d’Europe, avec la diversité actuelle des nations européennes, n’est qu’une douce illusion, et la crise actuelle à l’occasion de laquelle les gens de l’Europe du nord ont exprimé sans la moindre précaution, tout le mépris dans lequel ils tenaient ceux de l’Europe du sud, montre qu’il n’existe précisément pas, hors de la notion de race, d’identité européenne. Ceci signifie qu’il n’existe pas d’autre caractère qui leur étant commun, serait spécifique à ces européens et en lequel ils se reconnaitraient tous. En tout état de cause, se dire “Européen”, revient tout simplement à se dire “homme blanc”. Car ce qui jusqu’alors faisait une véritable spécificité européenne, c’est à dire le caractère bien plus développé qu’ailleurs des nations européennes, avec leur fantastique héritage culturel, se trouve infirmé jour après jour par les succès des pays dit émergents, et avant très peu, l’Europe n’apparaitra plus comme ce lieu exceptionnel du développement de la civilisation, et sera privée pour les siens de ce caractère identitaire.

Ce n’est qu’à la faveur de l’impasse économique dans laquelle se trouve l’Europe, laquelle a révélé l’impuissance individuelle des nations, que par delà la mouvance d’extrême droite ou cette intégration a toujours été combattue au nom de l’identité nationale, de nombreux Français ont soudainement pris conscience que l’avenir de l’Europe se paierait fatalement, au prix d’une disparition graduelle de ce qui constitue strictement la spécificité Française. Ceci, à l’heure où l’usage de la langue française se trouve de plus en plus contesté, même au sein d’institutions européennes pourtant sises dans des villes francophones.

Cependant, ce danger de disparition de l’identité française, par une dilution de celle-ci consécutive à l’intégration du pays dans une Europe désormais sous domination allemande, et par une marginalisation grandissante de l’influence la France dans le reste du monde qui dans une large mesure, demeure sous une domination anglo-saxonne, a été parfaitement compris par certaines élites française. Celles-ci sont conscientes que la situation actuelle de la France dans le monde, laquelle demeure malgré tout exceptionnelle, tant sur le plan économique comme cinquième puissance mondiale, que sur le plan culturel avec la francophonie, de même que sur le plan diplomatique avec la possession si jalousée, d’un siège de membre permanent au conseil de sécurité, n’est qu’un héritage issu de sa toute puissance impériale.

Ceux qui s’intéressent à cette question comprennent que la France n’a évidemment aucune chance de pouvoir renouer un jour avec les fastes, la magnificence, et les avantages considérables liés à sa grandeur passée, sans l’empire qui l’avait rendu encore plus puissante, avant la révolution, et qui a continué jusqu’à en faire à l’aube de la première guerre mondiale, le pays le plus riche du monde, et un des plus puissants. Mais ils savent surtout, qu’elle n’a aucune chance de pouvoir se maintenir même au niveau actuel, sans ce même empire pourtant devenu depuis, moribond, qui s’est maintenu malgré tout, mais qui n’ose plus dire son nom.

La difficulté c’est que ces questions quant au devenir et à la grandeur de la France, ne font plus du tout recette auprès des Français eux-mêmes, qui semblent avoir par rapport à leurs vaillants ancêtres, la même distance qu’ont les Egyptiens, les Athéniens, et les Romains d’aujourd’hui, par rapport à Ramsès, Périclès, ou Cicéron. Désormais seul l’immédiat compte, c’est à dire de quoi sera faite la fin du mois...

Les élites elles, ont décidé que pour sauvegarder les intérêts supérieurs de la nation, même si tout cela devait se faire par la brutalité, l’illégalité, et le crime, il fallait se garantir de pouvoir exploiter les ressources et les hommes de l’empire, en leur concédant afin de leur fierté et en les renvoyant à eux-mêmes en cas de difficultés, les apparences de l’indépendance. Et de fait, depuis plus de soixante ans, alors même qu’il n’y eut pas moins de quarante interventions militaires de la part de la métropole sur leur continent, afin de la préservation de ses intérêts, et alors que ceux-ci n’ont même pas l’autorité sur l’émission de la monnaie qu’ils utilisent, les Africains de l’ex-empire colonial français, croient encore fermement qu’ils sont devenus un jour, indépendants.

En réalité, l’empire n’a jamais été totalement détruit, il a survécu, mais dans la forme minable, indécente et criminelle que nous lui connaissons aujourd’hui où, tant du coté de la métropole que du coté des colonies, ce sont des associations de malfaiteurs qui constituent son aristocratie. Le pire c’est que toute cette malfaisance a été révélée, exposée, explicitée avec de nombreux témoignages de la part des acteurs eux-mêmes des faits, dans une récente série télévisée, sans provoquer le moindre mouvement d’indignation, ni en France, ni en Afrique.

C’est justement dans cette attitude surprenante qu’il nous faut comprendre la fatalité de la “Françafrique“, c’est à dire de l’empire colonial français déchu, gangrené, et gangstérisé, lieu de tous les coups fourrés, de toutes les malhonnêtetés, de tous les crimes et de tous les abus, que tout le monde proclame condamner et se dit prêt à y renoncer, mais qui cependant se maintien, tout simplement parce que rien ne le remplace et ne peut le remplacer, les nations africaines étant censées être indépendantes.

C’est devenu aujourd’hui un amusement de constater que depuis quarante ans, à la veille de leur élection, tous les candidats au fauteuil élyséen jurent autant qu’ils le peuvent, qu’ils mettront fin à cette comédie, et de constater sans surprise, qu’au lendemain même de cette élection, les tout premiers invités au Palais, bien avant les puissants de ce monde, ne sont rien d’autre que les “barons“ de la Françafrique. Ceux-ci viennent prendre contact avec le nouveau “boss”, rôle logiquement dévolu au président de la république française, dont par leur financement à l’aide des désormais célèbres rétro commissions, ils ont permis l’élection. En recevant ainsi en grandes pompes le président du Gabon que quelques années plus tôt, en échange de facilités à venir, les services secrets français avaient installé dans son fauteuil, le nouveau locataire du Palais n’a nullement fait injure à la grande “tradition”, et les affaires continuent...

Il n’y a pas un homme de bonne fois qui ne comprend qu’il faut en finir avec ce système qui a fait le malheur des deux parties. En effet, si dégagés des a priori racistes, et en ayant le sens du partenariat, au lieu de ne penser qu’à piller purement et simplement les richesses des anciennes colonies, les responsables français avaient joué la carte du développement, les nations africaines devenues riches et prospères, auraient constitué une vaste clientèle pour les produits français, ce qui aujourd’hui rapporterait bien plus que le pillage, et aurait maintenu à un très haut niveau, l’appareil productif français et les emplois dans ce pays. C’est d’ailleurs exactement ce à quoi s’emploient actuellement les Chinois. Ils participent à grands frais et pour leur intérêt, au développement de l’Afrique, avec un succès tel que dans plusieurs pays de l’ancien empire, ils ont déjà supplanté les Français comme principal partenaire économique.

Pourquoi alors la Françafrique perdure-t-elle ?

Parce que ses opposants ne veulent rien d’autre que l’anéantir, et ne la remplacer par rien. Or, l’interpénétration entre ces deux parties du monde fut telle, que les liens entre la France et l’Afrique ne peuvent plus, sans dommage pour les uns et les autres, être anéantis.

Tout le monde en France saura dire les noms de plusieurs chefs d’état, de sportifs ou d’artistes africains. Mais personne ne saura rien dire des noms des premiers ministres danois ou suédois, des présidents slovène ou slovaques, d’artistes bulgares ou finlandais, alors qu’il s’agit là de pays de l’Union européenne, auxquels la France est plus particulièrement liée.

C’est dire à quel point tous les regards en France demeurent pleins de nostalgie, dirigés vers le “grand Sud”, là ou s’est exprimée la grandeur impériale de ce pays, car c’est là qu’aujourd’hui, les Français qui tendent à ne plus devenir que de simples provinciaux de l’Europe, se sentent encore grands, et le deviennent.

Il est clair que l’exploitation abusive des ressources des nations africaines à la tête desquelles elle a placé ses “préfets”, constitue un élément indispensable à l’économie de la France telle qu’elle demeure malheureusement pensée, c’est-à-dire sans le sens du partenariat. D’autre part; une telle prise de contrôle tout à la fois des ressources africaines, afin de garantir ses approvisionnements, et des administrations africaines, afin de ses desseins géopolitiques, est nécessaire par delà les interdits étiques et constitutionnels, à un pays qui entend jouer encore dans la cour des grands. Mais il n’y a pas que cela.

Ce serait une erreur de sous-estimer dans la persistance de cette liaison perverse, le poids des liens historiques et culturels, et leurs implications psychologiques, identitaires, et même affectives.

Il n’est qu’à voir tout le cérémoniel et toute la mise en scène de ces grandes messe du sommet franco-africain, et du sommet de la francophonie, pour comprendre à quel point la France a besoin pour la représentation d’elle-même, de se voir importante, ce qu’elle ne peut être, qu’avec les nations africaines de l’ex-empire, et comprendre qu’elle ne peut se résigner à n’être qu’une province européenne parmi les autres ce qui pour une nation à l’histoire aussi dense, et qui a toujours dominé cette Europe, correspond à ne plus rien être du tout...

C’est d’ailleurs cette même préoccupation qui fait que la Grande Bretagne s’applique constamment à maintenir une distance entre elle et une Union Européenne à laquelle elle a tenu malgré tout à participer, puisqu’il lui faut être partout, selon sa propre légende...

Ainsi, dans la récente entreprise criminelle de “néo colonisation”, qui a provoqué la mort de plusieurs dizaines de milliers d’hommes en Côte d’Ivoire et en Libye, si la défense des intérêts pétroliers de la métropole fut manifeste, il est tout aussi manifeste que de ne plus se sentir “redoutée”, ce qui pour cette métropole constitue le spectre de sa relégation du statut de grande puissance, à celui d’une nation quelconque, et par là, le prélude à une contestation encore plus forte de son statut de membre permanent du conseil de sécurité, à visiblement justifié la nécessité de faire à cette occasion, une “démonstration de force”.

Le message fut reçu, mais ce sont les malheureux Ivoiriens et les Libyens qui ont fait les frais de la démonstration, et il est remarquable d’ailleurs qu’ils n’ont guère été soutenus, bien au contraire, par les autres Africains. Car pour ceux-ci également, et bien sûr sans que jamais ils ne le confessent, compte tenu des simulacres stériles de l’Union Africaine, qui n’a pas eu les “tripes” pour prendre en charge ces dossiers, et qui manifeste aux yeux du monde entier son inconsistance, l’empire demeure paradoxalement, en seraient-ils même les victimes, leur seul espace de grandeur, et parce que hors de lui, il n’y a rien, et c’est bien ce néant qui établit la pérennité de l’empire moribond.

Symétriquement, il est amusant aussi de remarquer qu’il n’y a pas d’Africain plus acharné contre la France, que ceux qui s’y sont installés, et on comprend que ce rejet traduit bien sûr une souffrance due à tous les crimes commis depuis des siècles par la métropole sur le continent, selon sa volonté farouche de domination. Mais cette animosité traduit également pour ces hommes désirant malgré d’énormes difficultés, se trouver là où les choses se peuvent et là où elles se passent, la frustration due à un manque de reconnaissance et de considération par cette métropole, et au refus ahurissant de celle-ci de prendre tout simplement acte de son altération durable par l’Afrique, de façon à établir les Africains qui vivent chez elle, dans une normalité...
Tout cela, parce qu’il reste malgré bien des griefs des colonisés envers la métropole, un lien indéfectible, constitué par un héritage historique commun, et le partage de la langue...

C’est ainsi que beaucoup d’Africains de l’ex-empire continuent de faire le siège des consulats, afin d’obtenir un visas pour la métropole, parce qu’il ressentent confusément pour les uns, même s’il se trompent souvent, que c’est là que se trouvent pour eux les moyens et les occasions de réussir quelque chose, et pour les autres, que c’est là que se développent les principaux “événements” de la culture qu’ils partagent, et il se trouve même des artistes qui, ayant eu le succès chez eux, viennent ici pour recevoir leur couronnement.

En fait, la France, et particulièrement la ville de Paris, constituent selon un paradoxe qui n’est finalement qu’apparent, pour les élites africaines francophones en quête d’excellence dans leur art, un passage obligé. Ceci, parce qu’en plus des écoles, des universités, des instituts de recherche et bien d’autres commodités logistiques indispensables, c’est là que se développe une production intellectuelle considérable sur des questions concernant l’Afrique, et que peuvent se nouer des contacts intéressants avec des gens venus de tous les horizons, sans avoir à parcourir le monde entier.

C’est d’ailleurs là que se trouvent de véritables Africains, c’est à dire des gens dégagés du sectarisme ethnique qui fait tant de dégâts sur le continent, dans un lieu ou ces différences deviennent ridicules face à tout ce qui les oppose au Français. D’autre part, nous sommes là dans une ville où l’on trouve davantage de documents sur l’Afrique dans le seul quartier latin, que dans toute l’Afrique francophone réunie. C’est ainsi que les géologues français, après avoir procédé à un recensement des nappes d’eau souterraines de la zone sahélienne, avaient consignés leurs résultats dans un document dont l’original fut conservé au BRGM, mais dont la copie qu’ils avaient transmise aux gens du Burkina qui en étaient demandeurs, avait à l’époque où je m’occupais de ces questions, tout simplement été perdue par ceux-là...!

En réalité, il se produit dans la communauté africaine de ce qui tend de plus en plus à devenir “Paris la noire”, un bouillonnement intellectuel sans précédent, par rapport auquel les belles heures de Saint-Germain des prés ne sont que babillage futile. Tout cela se passe à dix mille mètres au-dessus de la tête des Parisiens français qui n’en soupçonnent rien, et qui ne comprennent pas que si tant d’Africains viennent ici, c’est tout simplement parce que c’est là que se situe cet “événement”.

Tout ceci montre que les liens tissés selon l’empire ne sont pas à la veille d’être rompus, et que si l’on veut en finir avec l’empire moribond, ce n’est pas par le néant qu’on y parviendra, mais bien par son remplacement par un autre, par un empire fondé cette fois sur la base d’une appartenance culturelle. Ceci, en étant conscient que tôt ou tard, le centre culturel de cet empire se déplacera fatalement de la métropole parisienne, vers une de ces grandes métropoles africaines comme Kinshasa qui, avec ses quatorze millions d’habitants, constitue d’ores et déjà et de très loin, la plus grande ville francophone du monde.

Il est clair qu’après tant de déconvenues économiques, et sa perte d’influence graduelle en Afrique au bénéfice de la Chine, de l’Inde et du Brésil, il ne pourrait rien arriver de pire et de plus grotesque à la France, que de se trouver en plus marginalisée au sein même de la sphère francophone, à l’heure où toute l’Europe se met à l’anglais.

Tout ceci montre l’urgence qu’il y a à ce qu’il se produise un changement radical dans la mentalité des Français concernant leur rapport à l’Afrique et symétriquement, la nécessité que les Africains renoncent à cette vielle chimère d’un grand règlement de compte historique où ils s’en viendraient venger des siècles d’une oppression subie par la métropole. Car, jusqu’à présent, celle-ci constitue curieusement par ses différentes institutions coloniales, et comme un pied de nez fait à ses détracteurs, le seul facteur véritablement efficace de rassemblement entre les nations africaines francophones, même si ce n’est pas toujours pour une bonne cause, et il est clair que pour ces nations qui autrement trouveraient difficilement la voie d’une coopération entre elles, ce facteur de rassemblement est vital.

En fait, ce qu’il nous faut comprendre de tout cela, c’est que les individus tout comme les nations de notre époque, doivent se préparer à assumer un caractère “multidimensionnel”, qui leur sera de plus en plus imposé par la logique des temps.

Ceci signifie que les Français doivent s’assumer pleinement dans leur dimension européenne, au sein d’une Union Européenne à laquelle ils ne sont cependant pas réductibles, que les Africains doivent s’assumer sereinement dans leur dimension africaine, au sein d’une Union Africaine à laquelle pareillement, ils ne sont pas réductibles, et que les uns et les autres doivent s’assumer pleinement dans leur dimension francophone, au sein d’un empire culturel qui s’en viendra remplacer l’empire moribond...

Bien sûr je vous le concède, c’est plus facile à dire qu’à faire...


Paris, le 15 août 2012
Richard Pulvar


BRAVO ET MERCI MESSIEURS LES “BRITISH”, POUR CETTE GRANDE MESSE DE LA FRATERNITE...!




Tout cela a été parfaitement organisé...

Ce fut grandiose, passionnant, beau et émouvant, et cette grande manifestation nous a rappelé que nous autres les humains, nous pouvons faire de belles choses sur notre bonne vielle Terre, et que c’est précisément pour cela que nous nous y trouvons...

Même la surprenante concurrente saoudienne, jeune enfant otage d’une situation qui la dépassait, où un interdit prétendument religieux s’est trouvé réaffirmé avec force par les siens, afin que puisse en être aboli un autre bien plus pénalisant et tout aussi irrationnel, qui ne lui aurait même par permis de participer, s’est déclarée heureuse d’avoir été là, et de fait pour une fois, toute notre humanité était là...

Tout ceci confère aux jeux, il ne faut pas se le cacher, par le fait qu’ils permettent d’atteindre un “au-delà” des choses habituelles et des singularités réductrices, et qu’ils sont l’occasion d’une humanité rassemblée communiant dans un même idéal, un caractère “sacré”. C’est ce que traduit d’ailleurs bien, tout le cérémoniel parfaitement réglé qui conduit cet événement. Il s’agit d’une véritable “liturgie” qui va jusqu’à un engagement d’excellence selon une prestation de serment, des concurrents et des arbitres, laquelle sans bien sûr le dire, suppose qu’une autorité suprême sera juge de leur accomplissement...

Toute cette mise en scène montre bien, qu’il ne s’agit plus en cet événement, d’une simple manifestation sportive...

Il est remarquable en effet à ce sujet, qu’en plus des exploits sportifs qui constituent l’objet premier des jeux, et des exploits techniques que nécessite leur organisation par la nation d’accueil, les grandioses cérémonies d’ouverture et de clôture de ces jeux, constituent de magnifiques catalogues culturels disant tout à la fois “l’héritage” dont dispose cette nation, et la force créatrice de son génie artistique.

Observons bien maintenant que c’est à ses frais, lesquels sont devenus considérables, que la nation organisatrice se met entièrement au service des autres nations de notre humanité, pour les accueillir et les rassembler chez elle. Or, il s’agit là en ce don de soi aux autres, d’un geste dont la recommandation constitue un des principaux enseignements religieux, et qui, concernant les relations habituelles existantes entre les nations, est absolument exceptionnel. Car on ne le trouve qu’à l’occasion de ces jeux, et de cet autre événement de même dimension que constitue la coupe du monde de football.

Tout ceci signifie que par delà ces prétextes sportifs, ce à quoi nous assistons en ces événements, c’est à des actes de “rédemption”, dans le sens christique même du terme, c’est à dire des actes par lesquels le bien se trouve rendu pour le mal, et par lesquels finalement, toute l’agressivité naturelle des humains, toutes les rivalités et toutes les volontés de capture et de domination des uns sur les autres, se trouvent “sublimées” au travers d’exploits sportifs.

En ce sens, le caractère “religieux” de ces manifestations est indéniable. Les rages s’expriment alors contre le chronomètre, les dominations se traduisent simplement par la plus haute marche du podium, et après les applaudissements fournis, ce sont quelques médailles, des émotions, de la fierté et de la gloire, lesquelles valent bien mieux que l’or, quant à la félicité des nations, qui constituent les gains des vainqueurs.

Ailleurs qu’en ces espaces, ce sont des guerres qui traduisent la rivalité entre les nations, la soumission de peuples entiers qui traduit les volontés de domination, et le pillage des ressources naturelles des pays vaincus, qui traduit la volonté de capture des nations prédatrices. Nous pouvons mesurer ainsi tout le bonheur que nous avons par tout ce que cela nous épargne, dans l’existence des jeux olympiques qui, dans l’antiquité déjà, sonnaient précisément une période de trêve guerrière. Il en est de même pour et cette autre grande messe de la paix, par codification d’une expression pacifique et apaisée des rivalités, que constitue la coupe du monde de football.

Pour la plupart d’entre nous, nous demeurons persuadés a priori, qu’il ne s’agit en ces événements, que de simples manifestations sportives “civiles”, issues d’une concertation entre les humains. Ceci, parce qu’à cause de la déviation sémantique qu’à subie au cours des siècles le terme traduisant ce fait, et à cause de tous les crimes et tous les abus qui furent commis sous couvert de celle-ci, nous manquons d’observer que la concertation entre les humains, quel qu’en soit l’objet, constitue en elle-même par définition, un fait de “religion”.

Cependant, ceux qui s’intéressent à ces questions ne manqueront pas de remarquer que ces grands rassemblements qu’il convient bien de dire religieux, se font forcément comme tels selon des “dieux“, c’est-à-dire selon des faits de “transcendance” de la singularité des individus et des peuples, mais que ces dieux ne sont jamais “nommés”. Personne ne viendra dire en effet, que l’établissement des règlements des jeux olympiques, et la fervente participation, en acteurs ou en spectateurs, de tous à ceux-ci, se font “au nom” d’un dieu.

Or, un des tout premiers enseignements de la grande tradition ésotérique, qui se trouve à l’origine de l’invention du “tétragramme”, le fameux “JWHW”, c’est qu’il est justement interdit de “nommer” le dieu, celui selon lequel s’exerce la concertation entre les humains, et qui n’est bien sûr “unique”, que si cette concertation concerne notre humanité tout entière...

Par cette interdiction qui était faite de nommer le dieu, les rédacteurs de la grande tradition ésotérique rappelaient ainsi que rien ne peut se prétendre au nom d’un dieu, et encore moins au nom du dieu “un”, qui ne procède de la libre concertation entre les humains, et qu’en conséquence, rien de ce qu’ils n’agréent librement, ne peut leur être imposé comme étant la volonté d’un dieu, puisqu’il n’existe justement de dieu, que selon cette concertation.

Il est clair de ce point de vue que pour la plupart d’entre elles, par leur prétention à dire le “convenable” hors de toute “convention” établie entre les humains, et parlant au nom d’une “transcendance” de ces humains en se passant de consulter leur avis, voire en les contraignant, comme si cette transcendance pouvait manquer d’être “la leur”, autrement dit, comme si elle se pouvait dégagée d’eux et exprimer des volontés sans rapport avec leur souhaits, les religions d’aujourd’hui constituent autant de “trahisons” de l’idée religieuse authentique...

On surprendra alors beaucoup en disant que curieusement, c’est à travers le sport, certaines institutions humanitaires, ou encore certaines manifestations culturelles, que se réinvente aujourd’hui la véritable religion, et qu’en ce sens, les jeux olympiques constituent bien une manifestation religieuse, dans le sens fondamental du terme…

Bien sûr il faudrait développer davantage...

Une prochaine fois peut-être...


Paris, le 13 août 2012
Richard Pulvar

lundi 13 août 2012

VIVENT LES JEUX, GLOIRE AU BARON, ET BRAVO A NOTRE BELLE EQUIPE DE FRANCE DE TOUTES LES COULEURS...!




En ce lieu, personne n’est venu parler de quotas, personne n’a été obligé de faire la queue devant des préfectures pour avoir le droit de “participer“, et de “représenter”.

Il suffisait tout simplement de se vouloir vainqueurs et d’être bons, et ils l’ont été...

Ceux qui dirigent la nation avec le total insuccès que nous savons, pourraient prendre exemple sur ceux qui dirigent le sport avec bien plus de talent, et qui savent faire avec le principal atout du pays, c’est-à-dire sa belle diversité, celle grâce à laquelle il a triomphé.

Nous avons vu la France dans son plus bel aspect, celui où elle gagne dans la fraternité, et n’en déplaise aux racistes attardés et démentis par la magnificence universaliste de ces jeux, c’est bien cette France là, oui bien celle là, qu’il va désormais falloir considérer comme étant la vraie France, puisque c’est tout simplement bien comme cela qu’elle est, comme cela qu’elle réussi, et que ce n’est qu’en cessant de se nier comme étant telle, qu’elle possèdera la seule chance de parvenir enfin...

Merci à tous ceux qui ont sacrifié tant d’heures d’efforts des années durant, pour pouvoir nous offrir ce si beau spectacle, nous permettre de nous bomber un peu le torse, après que nous ayons du si souvent baisser honteusement la tête, face à la débâcle sociale et économique qui nous étreint et nous humilie, et surtout, pour nous redonner quelques temps, et avant que de sinistres gnomes de la politique ne s’emploient à nous faire douter, confiance en notre “appartenance”. Et même si cela n’aura été que quinze jours d’illusion, ce que je ne crois pas, ces merveilleux instants auront quand même été bons à prendre...

Paris, le 12 août 2012
Richard Pulvar

dimanche 5 août 2012

ET MAINTENANT…?




Trois cents soixante douze mille emplois sont actuellement menacés en France, et il est clair que, selon la logique économique implacable d’un système dans lequel ce sont pour l’essentiel, les dépenses des uns qui font les revenus des autres, ces nouveaux chômeurs ne tarderont pas à faire de nombreux petits...

Ceci, parce que ces hommes et ces femmes frappés par ce mal se trouvent disqualifiés, non seulement comme producteurs, ce qui alourdit encore une charge publique qui d’une façon indirecte, se trouve fatalement reportée sur les entreprises en grevant leur compétitivité, mais également comme consommateurs, ce qui par une baisse de la demande, ralentit d’autant l’activité...

Cette spirale vicieuse dans laquelle nous sommes engagés depuis déjà bien des années, va maintenant s’accélérer de façon vertigineuse, par le mécanisme lui-même d’un système qui produit d’autant plus un poisson qui l’affecte, qu’il se trouve déjà atteint par celui-ci, et étant entendu qu’on ne peut espérer que ce système puisse se trouver épargné par quoi que ce soit, alors qu’il se trouve en fragilité partout.

Il est toujours possible de prendre des mesures pour sortir d’une faiblesse économique, dès lors que pour le moins on possède des finances publiques saines, et symétriquement, une économie florissante peut s’accommoder quelques temps du manque d’orthodoxie budgétaire. Mais, bien malin celui qui nous expliquera comment, hors de procéder à cette véritable révolution qui consisterait à faire défaut sur la dette plutôt que de tout sacrifier à son entretien, il nous sera possible d’enrayer un processus de récession économique déjà bien engagé, autrement dit de procéder à un audacieux plan de relance économique, en partant d’un déficit budgétaire qui met déjà en péril l’édifice monétaire, et d’un endettement public écrasant, dont le seul entretien engloutit l’essentiel des ressources fiscales de la nation.

Il sera toujours temps de dire quelles sont les responsabilités des uns et des autres dans cette situation, mais pour l’heure ce qui compte, c’est d’envisager de quelle façon il nous sera possible d’éviter la lente et sinistre agonie de la nation, sans avoir à emprunter l’une des deux voies traditionnelles qui ont toujours permis de sortir de telles situations de crise, celle d’initiative populaire, la “révolution”, ou celle d’initiative gouvernementale, la “guerre”.

Une révolution sanctionne fatalement tôt ou tard, une incapacité politique persistante, comme celle qui se donne actuellement en spectacle.

D’autre part, si le “travail” est bien sûr une activité qui nous est imposée afin de pourvoir à nos nécessités, il s’agit également dans notre actuelle civilisation, d’une activité que l’école freudienne identifie curieusement à “l’instinct de mort”, et qui s’est graduellement supplantée au cours des siècles, à ces autres activités que sont la “chasse”, et la “guerre”. Il fallait donc s’attendre, même si cet enseignement se trouve désormais contesté par certains, à ce qu’une raréfaction du travail implique des risques de plus en plus grand de voir revenir les tentations guerrières, et s’il y eut bien d’autres raisons dans la complexité de ce qui en fut la cause, la deuxième guerre mondiale fut bien également une conséquence de la terrible crise des années trente...

Que peuvent et que vont donc faire nos responsables politiques, pour éviter d’être confrontés à cette redoutable alternative ?

Prendre des mesures afin de nous permettre d’enrayer la régression économique, et de nous faire renouer avec une croissance qui permettrait à terme, d’en finir avec ces redoutables questions du chômage, du déficit budgétaire, et de l’endettement public ?

Qui peut sans vouloir délibérément continuer à se mentir, croire cela encore possible ?

Tout se passe dans l’esprit de beaucoup de nos concitoyens, comme s’il était possible de lutter contre un piège, alors qu’on était déjà tombé dedans, et tous ceux qui se sont réjouis à juste titre, du départ du sinistre “agité” du Palais, mais qui s’imaginent que la nouvelle équipe pourra mettre en œuvre des mesures salutaires pour nous éviter la débâcle économique et sociale, n’ont pas pris conscience que nous étions déjà bel et bien tombés dans le piège, celui de la “tentation” du fruit défendu, de l’arbre des facilités financières.

Un des aspects de ce piège réside dans le fait qu’il nous faudrait réduire les dépenses publiques, pour réduire le déficit budgétaire, et nous libérer un peu de la charge écrasante du service de la dette. Or, toute réduction de ces dépenses publiques, se traduit fatalement par la mise à pied des gens qui rendaient les services qu’elles rémunéraient. Ceci revient à dire clairement que, dans la situation d’un marché de l’emploi déjà gravement déficitaire, réduire les dépenses publiques implique mécaniquement une augmentation du chômage, ce qui n’est évidemment pas l’objectif poursuivi, et que la baisse de rentrées fiscales liée à cette perte d’activité, laquelle se trouvera décuplée selon le facteur multiplicateur, a toutes les chances d’être in fine, beaucoup plus coûteuse que l’économie escomptée...

C’est le piège, qu’on aille dans un sens ou dans l’autre, on n’en sort pas...!

Nous venons d’avoir une illustration parfaite de cette contradiction, avec cette lamentable affaire de la délocalisation vers le Maroc du centre d’appels du STIF, ce qui va tout à fait dans le sens d’une réduction des dépenses publiques, puisque le prestataire marocain est beaucoup moins cher que le prestataire français, mais qui a l’inconvénient logique de mettre au chômage, sur un marché de l’emploi qui leur laisse peu de chance d’en retrouver un, une partie des employés de ce dernier...

En fait, il aurait fallu réduire les dépenses publiques bien avant de tomber dans le piège bancaire, pour justement éviter de tomber dedans. Mais maintenant que nous y sommes, croire que c’est tout bénéfice de réduire la dépense publique, et qu’il existe ainsi une voie pour nous sortir des difficultés, n’est qu’une douce illusion.

Le budget s’établissant selon des recettes et des dépenses, on pourrait alors espérer qu’à défaut de pouvoir diminuer les dépenses, il serait possible d’augmenter les recettes. Mais il ne peut y avoir sainement une augmentation des recettes, que si celle-ci correspond à une augmentation de l’activité, augmentation dont il est clair que notre actuelle situation ne nous laisse aucun espoir, la tendance étant clairement à la délocalisation. Car, nous avons atteint la limite de la pression fiscale au-delà de laquelle toute augmentation du taux d’imposition, se traduit in fine, par la diminution du pouvoir d’achat qu’elle provoque, et selon l’intervention là aussi du facteur multiplicateur, par une diminution de la recette globale.

Tous les gouvernements qui ont tenté cette opération d’augmentation de la pression fiscale, semblant relever du bon sens, ont fait l’amère expérience de cette réalité physique qui les a démentis.

Ainsi, le gouvernement de monsieur “normal”, même épaulé par ses talentueux “redresseurs de la productivité”, ne pourra, ni réduire sensiblement la dépense publique, ni augmenter la recette fiscale, pour nous sortir, piégés que nous sommes, du cycle infernal du déficit et de l’endettement.

Comme il ne faut pas compter sur eux, puisqu’ils ne sont justement pas là pour cela, pour oser le “défaut sur la dette”, la seule solution qui, comme cela à été fait avec succès en Argentine, en Equateur, et en Islande, permet de sortir de ce genre d’impasse, que feront-ils ?

Nous n’en savons rien, et eux, encore moins que nous...

Il est remarquable à ce sujet, qu’alors même que jamais les menaces les plus graves de révolution et de guerre n’ont autant pesé sur leur société, les citoyens de ce pays, convaincus qu’ils sont depuis quelques temps déjà, qu’il n’existe qu’une voie individuelle pour leur salut, demeurent tout à leurs projets personnels, uniquement préoccupés de nécessités immédiates. Ils n’opposent alors à ces perspectives terrifiantes, qu’une magnifique indifférence, en étant intimement persuadés que finalement, les choses n’iront pas jusque là.

Ceux de 1788 et ceux de 1913, voyaient bien eux aussi les menaces se profiler à l’horizon, mais ils n’imaginaient pas davantage que les choses iraient jusque là, et nous savons malheureusement ce qu’il en a été. Si donc la peur n’évite pas le danger, l’indifférence ne constitue pas davantage le moyen de s’en mettre à l’abri, et il faudra bien davantage que quelques protestations, déjà si rapidement essoufflées, concernant la fermeture d’une usine de construction d’automobiles, pour conjurer le mauvais sort qui s’annonce...

En fait, il apparait de plus en plus clairement que dans notre actuelle situation, vouloir éviter la perspective il est vrai, terriblement angoissante et incertaine, d’une salvatrice “révolution” qui fera voltiger tout ce système devenu malfaisant, c’est se résigner à la régression sociale et notre soumission définitive aux puissances d’argent, réduits en esclavage dans les “champs“ du service permanent de la dette. Ou pire encore, c’est se préparer à la guerre terrifiante, échappatoire traditionnel des politiciens sans solution pour le règlement des crises qui frappent leur nation, dont les détonateurs sont mis en place jour après jour au proche orient et concernant laquelle, qu’il ait été partisan de sa provocation, ou qu’il l’ait laissé provoquer, nul n’aura de pardon...


Paris, le 3 août 2012
Richard Pulvar