mardi 28 août 2012

SEDUIRE OU SE FAIRE DETESTER, LE GRAND ART DE LA DOMINATION




Il est reconnu que la séduction est un redoutable instrument de domination, celui-là même qui selon les écritures, nous vaut la rudesse de notre vie terrestre, et tous les hommes qui malgré eux, se sont trouvés un jour totalement subjugués par le charme d’une intrigante, l’ont très durement expérimenté en se faisant alors “tout petits devant une poupée”, selon la mésaventure de Georges Brassens.

On suggère souvent mais sans jamais très précisément les décrire dans leur historicité, le fait de quelques furieuses batailles, déséquilibrées à cause de la différence des armements, pour rendre compte de l’incroyable facilité avec laquelle, quand il ne s’agissait pas de seulement quelques poignées d’aventuriers, des troupes ont pu soumettre presque tout un continent, alors qu’il est vérifié que leurs effectifs furent extrêmement faibles, eu égard à ce qui se trouvait mis en œuvre dans les conflits européens à cette même époque.

Bien sûr, l’affaiblissement du continent fut opéré pendant des siècles, principalement à cause de la traite esclavagiste et tous les déséquilibres sociologiques que celle-ci a entrainés. D’autre part, la lente pénétration s’est faite également à la faveur du recrutement de supplétifs locaux, et grâce à une très habile politique d’exploitation des rivalités, empêchant que puisse se constituer un front uni contre le colonisateur.

Cependant si, concernant l’empire colonial français par exemple, il y eut bien quelques hauts faits d’armes, principalement au cours des conquêtes de l’Algérie, de Madagascar, et de l’Indochine, ils ne suffisent pas pour autant à expliquer comment un pays comme la France a-t-il pu se tailler aussi facilement, c’est-à-dire en ne mobilisant qu’une infime partie de ses forces armées, un gigantesque empire vingt cinq fois plus étendu que lui...!

En réalité, il est clair que celle-ci intervenant bien après que le terrain eut été préparé par les explorateurs subjuguant, venant d’au-delà des mers avec leurs curieux équipages, et les missionnaires avec leurs curieux enseignements, c’est bien la fantastique “fascination” qu’ont exercée les nations européennes sur les peuples d’Afrique, et particulièrement sur leurs chefs, et qu’à leur corps défendant les uns et les autres éprouvent encore jusqu’à aujourd’hui, qui a facilité leur prise d’autorité sur ces territoires...

En effet, comment les chefs n’auraient-ils pas rêvé au moins un instant, d’étendre et de renforcer leur puissance avec les moyens dont disposaient ces étrangers, et dont ils faisaient étalage, au prix de quelques accords avec eux, avant de comprendre mais bien trop tard, qu’on ne peut se mettre à table avec le diable, que si l’on dispose d’une longue fourchette pour demeurer hors de sa portée ? Et comment les autres quant à eux, auraient-ils pu combattre avec détermination ceux qu’ils constataient faits à l’image du nouveau et puissant dieu qui leur avait été révélé, et qui devaient donc posséder par leur nature un peu de sa puissance, ces hommes dont la richesse, la technicité, la science, l’industrie, le savoir faire, leurs tenues et la puissance de leurs armes, tout autant de dispositions auxquels ils désiraient eux aussi accéder, les avaient éblouis...?

La beauté, la force, la richesse et la science, fascinent les peuples sous toutes les latitudes, et les Africains furent donc fascinés, et par le fait infériorisés à leurs propres yeux. Ceci, bien avant de succomber par la brutalité au joug colonial qu’ils mettront alors longtemps à s’imaginer, non seulement capables, mais de plus autorisés par le ciel et par la logique de la destinée, à faire vaciller.

Vint donc l’heure des indépendances. Mais si l’intimidation militaire avait grandement perdu de sa force, après que l’orgueilleuse métropole ait subi de lourds revers en Indochine et en Algérie, la force de séduction qu’exerçait encore celle-ci par la qualité de ses réalisations, et par le fait que les colonisés s’étant fait de sa culture, pensaient et jugeaient désormais tout comme elle de la valeur des choses, entraina chez eux alors devenus des ex-colonisés, le sentiment confus que même s’ils s’étaient formellement séparés d’elle, la voie du progrès demeurait malgré tout située pour eux, dans le sillage de cette ex-métropole.

Cependant, si par un exercice de séduction culturelle vantant les avantages de sociétés auxquelles les autres se voyaient désormais fermé l’accès, allié à des opérations militaires pour supprimer ceux qui par la conscientisation, voulaient libérer leur peuples de ce tropisme, les métropoles on pu continuer à exercer leur domination, elles ont de façon inattendue et totalement cynique, utilisé le stratagème du développement d’un sentiment diamétralement opposé, mais relevant chez les individus de la même disposition affective, pour asservir d’autres peuples.

En effet, ces puissances occidentales ont eu tôt fait de constater qu’après qu’ils aient été fortement séduits, loin de demeurer simplement subjugués par eux et ainsi soumis, certains peuples se sont attachés à bien trop leur ressembler, au point qu’après s’être établis selon leur modèle de société, et après s’être faits de toute leur science et de toute leur technicité, ils sont parvenus à devenir pour eux de redoutables concurrents, mettant en cause leur suprématie.
L’option nouvelle, concoctée par des services qui n’ont précisément pas vocation à faire de la publicité quant à l’objet et les résultats de leurs travaux, de sorte qu’avant la mise en œuvre de cette option, nul ne soupçonne son effroyable machiavélisme, fut pour eux de se faire cette fois tout au contraire copieusement “détester”. Ceci, avec un double objectif. Tout d’abord dissuader en leur rendant ce système moralement condamnable, certains peuples disposant de ressources naturelles telles que le pétrole, d’accéder à un modèle de société de type occidental selon lequel ces richesses pourraient faire merveille.

Selon cette option, les puissances dominantes vont d’abord s’attacher à détruire ceux qui avaient déjà emprunté la voie de la modernité, c’est-à-dire l’Iran du Shah, et surtout l’Irak laïque de Saddam, nations qui autrement seraient déjà devenues aujourd’hui, grâce à leur ressource pétrolière, des puissances irréductibles. Ceci, en provoquant ou en favorisant la venue en cette région de crise dévastatrices telles que la révolution islamique qui l’espéraient-elles, aurait du freiner durablement le développement de l’Iran.

Il y aura ensuite le meurtrier conflit Iran-Irak, où elles vont alimenter en armes jour après jour huit années durant, les deux camps, la mise en place des conditions devant entrainer l’invasion du Koweït par Saddam, pour avoir une première occasion de détruire l’Irak, l’entretien d’un soupçon d’armes interdites pour infliger à ce pays douze années d’un terrible embargo, et finalement son invasion sous ce même prétexte.

Il est remarquable que rien des grosses ficelles de toutes ces manipulations, ne fut caché, et qu’il n’y eut aucune retenue dans les outrances guerrières criminelles faites contre ces nations, parallèlement aux prises de position de la plus totale injustice, concernant l’affaire de Palestine. Le but est de laisser clairement entendre à ces croyants martyrisés, que l’occident constitue un système de société qui offense Dieu, et que ce serait une grave faute d’en emprunter les mœurs sociales, telles que la laïcité, la démocratie, et l’égalité des sexes...

C’est donc tout à fait logiquement que l’on retrouve ces mêmes service occidentaux, derrière ce que, faisant écho à la propagande, beaucoup se sont naïvement précipité d’appeler avec optimisme le “printemps arabe”, qui n’avait d’arabe que ses acteurs, mais certainement pas le metteur en scène, et dont nous voyons bien aujourd’hui par la tournure que prennent ces événements, ce qui les sous-tendait, c’est à dire une volonté de ramener des nations autrement vouées à devenir puissantes, dans les ténèbres d’un obscurantisme religieux.

Partant de là, l’autre aspect de ce stratagème, consiste à créer chez ces peuples un tel ressentiment contre l’occident, une telle haine, que les plus engagés des hommes dans la lutte contre ce système, vont se montrer prêt à contraindre par tous les moyens même les plus ignobles, ceux des leurs qui sembleraient malgré cela continuer de s’accorder avec les mœurs occidentales.

Ainsi, la haine féroce d’un occident totalement discrédité, est-elle devenue de façon surprenante, l’élément par lequel les occidentaux vont se garantir de ne plus se trouver en concurrence par davantage de peuples, surtout ceux qui disposant de ressources naturelles, pourraient aisément les mettre en difficulté, en condamnant ces pays à leur “autodestruction”.

Ceci, tout d’abord par les affrontements meurtriers auxquels leurs citoyens se livreront entre eux, et par les régimes autoritaires qui découleront fatalement de ces situations, lesquels comme les Chinois qui en sont heureusement sortis, en ont fait l’expérience, sont totalement stérilisants quant aux initiatives personnelles qui font le dynamisme des nations. Mais cette malédiction exercera surtout par le fait que ces peuples tourneront durablement le dos, à toutes les avancées sociales qui, pour avoir été un temps promues par l’occident, ne lui sont en rien spécifiques parce qu’elles sont en réalité de portée universelle, et qui sont absolument incontournables dans la quête d’une nation dans la voie de sa félicité...

C’est d’ailleurs parce qu’au bout de toutes ces années, l’Iran semble sortir peu à peu des carcans dogmatiques qui l’empêchaient, en manifestant grâce à l’action de modérés, voire de contestataires du régime, des évolutions sociales et idéologiques de nature à la faire renouer avec la grandeur et l’efficacité, que l’occident s’acharne à exercer sur ce pays une pression sans pareille, pour l’enfermer dans un autoritarisme et une rigidité que justifierait un état de guerre...

Il semble cependant qu’il soit trop tard, l’Iran est déjà trop forte, et de plus, elle n’est pas seule...


Paris, le 27 aout 2012
Richard Pulvar

Pour information. ( Wikipedia )


Événements de Sétif (8 mai 1945)

Article principal : Massacres de Sétif et Guelma

Sur instruction du général de Gaulle, du gouverneur général d'Algérie Yves Chataigneau, du sous préfet André Achiary et sous la responsabilité du général Duval, l'armée a mené une action sanglante pour réprimer cette insurrection, qui sonna la fin de la cohabitation pacifique entre pieds noirs et Algériens et la naissance du sentiment national algérien.

Bien qu'ayant pour objectif officiel de rétablir l'ordre, cette répression aveugle eu pour conséquence de cristalliser un profond sentiment d'injustice déjà latent dans la population. Estimant que l'on juge une action par ses conséquences et non par ses intentions, plusieurs analystes stratégiques estiment que la France métropolitaine avait l'intention non avouée de se débarrasser des départements d'Algérie pour préserver son potentiel de développement.

- L'occasion fut donnée d'identifier et de liquider les réseaux financiers nazis qui soutinrent la frange radicale et indépendantiste du mouvement national algérien. Les autorités françaises n'en firent rien.

- Si une majorité de pieds noirs aurait fini par accepter, de gré ou de force, l'indépendance de l'Algérie, il n'en était pas de même pour la population musulmane qui était majoritairement pro-française, ou du moins avait objectivement intérêt à obtenir les mêmes droits que les citoyens français de la métropole (droit de vote, protection sociale, etc.) Ce mouvement de normalisation de la société algérienne était inévitable et était inscrit dans les luttes naissantes pour l'égalité et les droits civiques, en métropole mais aussi en Inde, aux États-Unis, et ailleurs encore. Cela aurait été un sérieux handicap pour la reconstruction de l'économie française. Il fallait à tout prix trouver le moyen de pousser ces Algériens à haïr la France.

- Le mouvement nationaliste algérien naissant avait besoin d'un sérieux coup de pouce et les massacres de Sétif y contribuèrent. Cela mis un coup d'arrêt à l'évolution de la société algérienne et cristallisa les antagonismes, ce qui déboucha sur la guerre d'indépendance.

- Les communistes furent un temps divisés sur la question de savoir s'il fallait soutenir les luttes sociales et les droits civiques des travailleurs algériens plutôt que la lutte pour l'indépendance pure et simple, puis finalement optèrent pour le soutien au F.L.N., sans doute sous la pression de Moscou qui voulait élargir son influence dans la région. L'ampleur du massacre de Sétif acheva de convaincre les hésitants.

Voir l'article massacre de Sétif pour plus de détails. Raymond Duval jeta un regard lucide sur ces événements car il écrivit à sa femme : « Depuis le 8 mai, un fossé s'est creusé entre les deux communautés. Un fait est certain : il n'est pas possible que le maintien de la souveraineté française soit exclusivement basé sur la force. »