vendredi 8 février 2013

QUAND REVIENDRONT ENFIN LES AUDACIEUX...?


    Où sont-ils donc passés tous ces hommes ? Ceux si nombreux qui s’en allaient sur des nefs insignifiantes au travers des rugissements de l’océan, ou dans des méharées interminables sous un soleil de plomb, dans des immensités désertiques, ou encore qui se taillaient un chemin dans d’épaisses forêts peuplées des ombres de tous les dangers, pour pouvoir remplir les nombreuses zones blanches qui frustraient encore depuis si longtemps, les mappemondes.

Où sont-ils passés ceux qui s’en sont allés aux sources du Mississipi, de l’Amazone, du Nil et du Congo, à la rencontre de peuples pour lesquels ils faisaient figures de zombis ou d’extra-terrestres, pour nous en révéler l’existence ?

Où sont-ils passés aussi ceux qui pour la première fois, ont pris les airs à bord d’un ballon gonflé à l’air chaud, ceux qui ont tenté les premiers vols à l’aide de planeurs en faisant des atterrissages à se rompre les os, ceux aussi pour lesquels, alors qu’ils se lançaient dans un “plus lourd que l’air”, les officiels durent s’allonger dans le gazon pour pouvoir certifier qu’ils avaient bien décollé, et ceux dont plusieurs périrent, qui voulurent être les premiers à joindre les deux rives de l’Atlantique. Ceci, par un parcours dans les nues, pour le bon déroulement duquel, tout était à inventer.

Il y eu aussi ceux qui eurent les plus grandes audaces conceptuelles, l’héliocentrisme, la gravitation, le phlogistique, le calorique, l’éther, l’entropie, le catastrophisme,  l’évolution, la formule du désordre, la loterie de l’hérédité, l’équivalence de la masse et de l’énergie, et même un surprenant “démon”, dit de Maxwell, pour rendre compte de la matière et de la vie.

Ne furent pas en reste, ceux qui osèrent des propositions politiques révolutionnaires telles que le fait d’une nation sans monarque, l’égalité entre les hommes, le suffrage universel, et la création d’institutions internationales afin du règlement pacifique des conflits.

Certains osèrent affronter les quolibets, le désaveu de leur œuvres iconoclastes, et par voie de conséquence, prirent le risque de se retrouver pourchassés par leurs créanciers, pour des créations les ayant laissés ruinés, et qui aujourd’hui se trouvent autant célébrées, qu’elles furent décriées en leur temps.

D’autres encore, bricoleurs de génie, ont passé leur temps en négligeant leurs études, et à la consternation de leurs parents, dans leurs ateliers pleins de cambouis installés au fond du jardin des résidences familiales, pour construire d’invraisemblables véhicules pétaradants, en laissant ainsi leurs noms aux marques prestigieuses des entreprises d’aujourd’hui, auxquelles ils ont donné naissance.

Ou sont donc passés de tels hommes aujourd’hui, dont nous aurions tant besoin pour que du néant dans lequel nous sommes désormais plongés depuis toutes ces dernières années,  quelque chose enfin se passe, ou que pour le moins, quelque chose se tente ?

Il n’y en a plus, ils ont disparu, du moins dans nos contrées, car si en Asie et en Amérique du sud, quelque noms sont bien en voie d’acquérir une grande notoriété, il est manifeste que chez nous, la race des audacieux a été totalement anéantie par un redoutable phénomène de “sélection patrimoniale”, selon lequel la seule façon d’obtenir les quelques moyens même faibles, qui sont malgré tout nécessaires pour tenter la grande aventure, c’est tout simplement de les posséder dès le berceau. Car, en ces temps de comptables et de gestionnaires triomphants, où il n’y a plus guère comme investisseurs que des fonds de pension en quête d’une rentabilité immédiate et garantie, il est clair que pas un centime ne sera risqué par personne, dans de si déraisonnables entreprises.

Or, il n’existe pas d’autres marchés du risque que ceux des trafics illicites, des casinos, ou des places boursières, et les banquiers qui s’abreuvent à ces dernières, n’ont clairement plus vocation selon leur propre aveu, à accompagner l’initiative en prenant des risques, c’est à dire sans avoir pu auparavant se garantir, sur le patrimoine de ceux qui en possèdent, voire sur celui de leurs proches.

D’autre part, il se trouve que ceux qui ont tout dès le berceau, ne sont justement pas ceux qui vont tenter quoi que ce soit, car ils n’en ont tout d’abord nul besoin, et qu’il faut avoir précisément manqué de quelque chose, de moyens, de reconnaissance, ou des deux, pour être puissamment motivé...

Si donc il n’y a plus d’audacieux, c’est tout simplement parce qu’il n’y a plus d’espace ici, pour que ceux-ci puissent éclore, et parce que cela ne correspond plus aux mentalités de notre époque, où on célèbre celui qui sauté un mètre soixante, tout simplement parce qu’il a réussi et qu’ainsi il ne pose de problème à personne, et où on fustige celui qui à échoué dans sa tentative de franchir deux mètres trente, parce qu’il faut alors que quelqu’un se charge d’aller remettre la barre en place, ce qui coûte...

De toutes les façons, dans un pays où on vote pour un homme à la  présidence, pour la seule raison d’éviter que ce soit un autre qui se trouve élu à sa place, autrement dit où il n’y a pas davantage d’ambition nationale exprimée lors de la consultation la plus fondamentale, quant au devenir du pays, il ne faut pas être surpris par ce marasme...

Il faudra encore bien des changements pour que puissent revenir les audacieux, mais notre espoir c’est que par chance, il ne suffit que d’un papier et d’un crayon, pour pouvoir écrire le premier paragraphe d’une révolution...

                                  Paris, le 6 février 2013
                                       Richard Pulvar

UNE GUERRE DE FANTOMES


Trois semaines seulement auraient semble-t-il suffit pour que par une campagne éclair, une puissante et implacable armée française, fasse déguerpir l’envahisseur “djihadiste” des principales villes du nord du Mali.
L’ampleur des moyens mis en œuvre tant en hommes qu’en matériels, de même que la grande expérience de ces hommes, dont certains se trouvaient déjà en mission sur d’autres bases en Afrique et qui, tout au long de ces dernières années, ont été si souvent en opération, pourraient sembler suffire à l’explication de ce succès.

Cependant, comparé aux déconvenues qui, dans de tels conflits dits “asymétriques”, ont suivi en bien d’autres lieux, des opérations de même genre et de même objet, ce résultat fait réellement figure d’exception.
Compte tenu du manque quasi total d’images, et du faible contenu des informations que nous donne la presse quant au déroulement du conflit sur le terrain, il semble que nous ayons à faire à une guerre de fantômes, ce qui expliquerait que nous n’en voyons par les acteurs, surtout pas les fantômes ennemis, et qui expliquerait surtout qu’il n’y ait pas de bilan de son coût humain, les fantômes comme on le sait, ne craignant ni les balles, ni les bombes.

 Face à ce qu’il nous parait en être des choses selon ce qu’on nous en dit, et aussi selon que qu’on ne nous en dit pas, nous pouvons alors formuler trois hypothèses quant à ce conflit.

La première c’est de considérer tout simplement que compte tenu de sa technicité, de son armement, et de la vaillance de ses soldats, l’armée française aurait flanqué une raclée mémorable aux polichinelles barbus, lesquels n’y reviendront pas de sitôt. Et si tel est le cas, nous devons nous en féliciter, tant de voir les populations débarrassées de ces malfaisants, que de constater que les nations possèdent malgré tout, des moyens efficaces pour les combattre.

Cependant, il est clair que nous n’avons absolument rien vu ni rien entendu, des furieux affrontements que cela suppose, avec les images de destruction des positions et des matériels ennemis en proie aux flammes, les cortèges de maquisards dont on espère qu’ils ont été faits prisonniers et non “détruits”, selon l’expression inadaptée du président, et les secours portés aux blessés, puisqu’on s’attend à ce qu’il y ait eu malheureusement parmi nos soldats, au moins un blessé au doigt de pied, dans de telles échauffourées...

La seconde hypothèse c’est que conscients qu’ils n’avaient pas l’avantage du terrain, les barbus ont décidé de se retrancher dans les montagnes, pour pouvoir y mener une toute autre guerre. Si c’est le cas, nous le saurons bientôt, et notre vision sereine des choses risque alors de changer.

Cependant, il existe une troisième hypothèse qui est bien sûr un peu perverse, je vous le concède, mais l’incertitude qui se trouve établie par la grande différence entre ce qui nous est montré quant à la promptitude du règlement du problème, et ce qui nous fut dit au départ, quant à sa tragique difficulté, nous autorise à nous inquiéter de savoir s’il n’y a pas dans toute cette affaire, pour partie au moins, une “arnaque”, quant à la présentation qui nous en est faite, comme si pour la mise en scène de celle-ci, on avait fait appel à Spielberg ou à Cameron.

Les maquisards étaient-ils tout d’abord aussi nombreux et redoutables qu’on nous l’a dit, même s’il est indéniable, puisqu’on nous a montré leurs équipements, qu’ils étaient assez puissamment armés, et ce, avec même quelques blindés légers, qu’ils ne se sont certainement pas procurés auprès de quelques trafiquants d’armes à dos de chameau dans le désert. Ont-ils dès lors abandonné leur positions et reculé, parce que pris d’effroi, ou parce que de secrets arrangements avaient prévu ce déroulement ?

Si c’est le cas, nous le saurons aussi un jour, mais bien plus tardivement...

                                                                              
                                          Paris, le 1er février 2013
                                                  Richard Pulvar