mercredi 23 août 2017

CAP OUEST, SUPERBE TEMPS…



Cap ouest, superbe temps.
Cap ouest, beau clair de lune, le temps toujours le même.
Cap ouest, à 11 heures ¾, je fis monter une assez jolie négresse dans ma chambre, je passais deux heures avec elle et l’exploitais deux fois. C’était la première femme que j’avais vu depuis mon départ de France.
Cap ouest, beau temps.

Le 20 mars 1761
A LA COTE D’OR (Ghana), pour la traite y faite.
Pour faire la traite au lieu-dit, j’ai donné pour coutume ce qui suit :
Au Roy, 1 baril de suif et 1 pièce d’indienne pour la valeur de 40 livres
Aux deux courtiers, ¼ de pièce d’indienne et 1 chapeau commun pour 14 livres
Au capitaine Jouam, 6 couteaux flamands et 1 mouchoir de Pondichery pour 2 livres
Au marabout, 4 mesures de bouges pour 3 livres
Pour les canots, 2 mesures de bouges et 2 mesures de poudre à feu pour 3 livres

J’ai acheté deux négresses pour 7 onces d’or en les marchandises qui suivent :
1 ancre d’eau de vie
1 baril de poudre
1 pièce de néganepau (toile)
1 pièce de bajutapau (toile)
4 fusils à 6 livres pièce
30 mesures de bouges
1 cent de pierre à fusil
1 rolle de tabac

Le roi dont il est question ici est bien sûr le roi africain local, qui reçoit selon l’usage un très beau cadeau d’une valeur de 40 livres, en plus des deux négresses qui lui sont achetées pour un total de 161 livres…
Quant aux canots en question qui sont également rémunérés en nature, il faut savoir que dans certaines régions comme le long des côtes du Ghana, il existe une “barre” qui ne permettait pas aux navires d’approcher du bord. Certaines tribus côtières s’étaient donc faites la spécialité de se charger du transbordement “musclé” des captifs, de l’esclaverie jusqu’à bord des navires…
Il s’agit là pour l’exemple cité d’une toute petite commande, mais on pouvait passer commande dans les esclaveries de plusieurs dizaines de nègres d’un coup et là, les droits de “bienvenue” que l’on donnait au roi étaient considérables…
Jusqu’aujourd’hui, certains continuent à nier tout aussi farouchement que stupidement, que la déportation esclavagiste fut telle que dite le résultat d’une “traite”, c’est-à-dire d’une négociation commerciale selon le sens fondamental du mot “traiter” qui veut dire négocier et commercer, qui a d’ailleurs donné le mot anglais “trade”, pour signifier le fait de faire du commerce, et son nom à la lettre de change dite précisément une “traite”, payable à terme. Celle-ci permettait aux capitaines négriers revenant des Antilles dans une mer infestée de pirates, de ne pas avoir à transporter d’argent en règlement de leur livraison, et de se faire payer par des établissements en France.
Ces gens ne veulent pas admettre que le rôle des capitaines négriers et de leurs commis était seulement de choisir et d’acheter les esclaves, soit “à la volée”, quant une offre se présentait le long des côtes, ce qui se faisait rarement, mais plutôt dans des comptoirs dits “factoreries”, tenus par des Européens, et où les rois africains faisaient leurs livraisons de captifs, et que ce n’était pas les négriers qui eux-mêmes qui les capturaient.
Ceci, pour ne pas avoir à reconnaitre une participation des Africains dans ce drame, alors que la pratique qui consistait à faire des guerres pour avoir des captifs était répandue dans toute l’Afrique, non pas à l’origine pour en faire le commerce, car la traite sera instituée par les arabes et exploitée d’une façon quasi industrielle, par les Européens qui seront de loin les plus gros acheteurs, mais pour permettre au roi d’affirmer sa puissance auprès des siens et de se faire craindre de ses ennemis, d’augmenter bien-sûr sa richesse, mais également selon sa croyance, de se remplir de la puissance de certains captifs par leur “sacrifice”, au cours de cérémonies rituelles.
D’autre part, en plus des captifs de guerre, se trouvaient mis en servitude, les délinquants, et les défaillants.
Les rois étaient très demandeurs de ce que leur apportaient les Européens afin d’augmenter le prestige de leur cour, grâce aux étoffes, à la vaisselle, au mobilier et à quantité d’objets pratiques et “exotiques”, que ceux-ci leur fournissaient, leur peuple tirait avantage des outils et des métaux qu’il recevait, mais c’était surtout pour ces rois le moyen d’augmenter considérablement leur puissance par rapport à leurs ennemis, car les éléments qui valaient le plus cher dans ce troc, c’était bien sûr les armes, la poudre à canon et les pierres à fusil, qui leur permettaient de vaincre ces ennemis et à cette occasion, de faire d’avantage encore de captifs, pour continuer à s’enrichir et se renforcer…
C’est malheureusement cette logique qui va s’amplifier jusqu’à causer la dévastation historique et humanitaire que l’on connait…
Il faut noter à ce sujet que contrairement à la légende mensongère qu’entretiennent certains, et selon laquelle ce serait les négriers eux-mêmes qui s’en seraient allés chasser les noirs, que si tel avait été le cas, ils ne se seraient pas risqués à leur vendre des armes et surtout, s’il n’avait pas été question d’acheter mais simplement de capturer, il n’y aurait pas eu lieu que ce commerce soit “triangulaire”. Or les navires qui partaient des ports de l’Atlantique en Europe, se trouvaient les cales chargées des “paquets” servant au troc, d’où le nom de “pacotille” donné aux objets dont ils étaient constitués et qui il est vrai, étaient de peu de valeur pour prétendre acheter un être humain. L’activité que ce commerce générait par la constitution des paquets en Europe était considérable, puisque pour un pays comme la France, elle représentait 1/5ème du commerce, et 1/8ème des emplois.
Ainsi, contrairement à l’image que se font beaucoup de gens qui s’imaginent les négriers s’en aller razzier quelques malheureux le long des côtes, ce qui certes se produisait parfois mais était tout à fait marginal, et n’aurait certainement pas permis que des gens soient  capturés et déportés par millions, une campagne négrière qui durait plusieurs mois pendant lesquels il fallait bien permettre aux dizaines de captifs du bord de survivre et d’être un minimum entretenus, avec tout ce que cela comporte, était une opération très complexe. Sa préparation, avec tous les approvisionnements et l’armement des navires, tant dans le sens commercial avec la constitution des équipages, que dans le sens militaire, car ces navires disposaient de pièces pour pouvoir lutter contre la piraterie et au moins deux orientées vers le pont, pour pouvoir lutter contre une révolte des esclaves était très coûteuse et nécessitait que ces sommes soient avancées, même si le rapport était très avantageux.
On peut donc dire qu’avec toutes les opérations commerciales, directes et annexes, et surtout financières, que nécessitaient de telles campagnes, articulées avec l’exploitations des esclaves aux Amériques, que c’est vraiment là, bien avant la révolution industrielle qui d’ailleurs en héritera, que se trouvent les fondements du capitalisme que nous connaissons jusqu’à aujourd’hui, non pas en tant qu’instrument d’usure, ce qu’il était déjà, mais en tant   qu’instrument d’exploitation des hommes, et il est clair que c’est de là que proviendra une grande partie de la richesse de la bourgeoisie, qui se trouvera face à ses contradictions, à la révolution…
Quant à ceux qui contestent la part africaine de la traite esclavagiste, ils sont bien mal inspirés, car, s’il existe de nombreux domaines de l’histoire qui font l’objet de controverses à cause du manque de documents, concernant cette traite, dans la mesure où il s’agissait d’une opération commerciale, elle a laissé de nombreuses pièces administratives et comptables, qui font que seul le manque de recherche ou la mauvaise foi, peuvent motiver cette contestation…       


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